Upside Down : entre dénonciation des égoïsmes qui détruisent la planète et les hommes et vibrant plaidoyer sur l’art, un roman puissant, au souffle épique incontestable
- Écrit par : Sylvie Gagnère
Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ XXI° siècle. Tandis que le gros de l’humanité survit tant bien que mal sur une Terre épuisée, ravagée par des désastres écologiques à répétition, les dirigeants des GAFAM et autres puissants se sont installés sur des îlots artificiels, en orbite basse. Les uns combattent pour leur survie, les autres se sont débarrassés de la maladie et même de la mort. En bas, on veut monter pour gagner cette part d’éternité, en haut, certains souhaitent descendre et retrouver leurs racines. En fond, les IA semblent mener leur propre combat.
Le roman nous présente un monde scindé en deux. Celui des riches (Up Above) est aseptisé, froid, fait d’illusions et de décors factices où l’on clone des actrices de cinéma et d’anciens guérilleros, où la technologie règne en maître et les paradis artificiels permettent de s’évader de cette prison dorée. Celui des laissés pour compte, à la surface, est un cloaque dangereux où les masses sont asservies par des divertissements virtuels qui remplacent peu à peu la vraie vie.
Pourtant, la frontière n’est pas si étanche ; des individus singuliers, des êtres hybrides rêvent d’un autre monde…
Construit en roman choral, le livre alterne les points de vue, ceux de dirigeants, d’humains déclassés, de clones, de Keïnos (animaux évolués dotés de langage humain), de Flottants, d’IA, de transhumains, d’un créateur d’un nouvel art… Toutes ces voix se répondent et s’entrecroisent pour proposer le portrait d’un monde à l’agonie, où l’humanité semble s’être définitivement perdue.
La galerie de personnages est mémorable, de Duke Margoulis et Stanis, qu’on dirait tout droit sortis des films noirs des années 40, à Maggie Cheung, énième clone de l’actrice, de Ferris, un artiste révolutionnaire au Che, avatar du véritable, des IA dont on découvre peu à peu le rôle à Bill Gates V, tous font entendre une part de vérité dans ce systéme déchiré. Chacun d’entre eux est à la recherche d’une identité, d’un point d’ancrage pour ne pas sombrer dans l’illusion ou le désespoir.
Le début du roman peut dérouter, par son aspect quasi conventionnel (les riches vs les pauvres, l’abondance et les plaisirs esthétiques vs l’asservissement et un quotidien misérable) et par la multitude des personnages portant chacun sa parole propre. Pourtant, très rapidement, on s’immerge dans cette histoire bien plus profonde qu’elle n’y paraît, qui souligne nos dérives écologiques, démographiques, technologiques, nos vies déconnectées de la nature, de la Terre, des autres. L’espoir vient de l’art, qui permet à l’espérance de s’épanouir, qui organise la révolte et redonne le désir de se battre et de vivre.
Il y a dans ce roman une vibration puissante, une envie de rébellion, un espoir artistique et humain, qui empoigne le lecteur et ne le lâche plus.
Upside Down
Auteur : Richard Canal
Éditions : Mnémos
Collection : Icares
Parution : 9 octobre 2020
Prix : 22 €
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