La mort de l’auteur : un roman époustouflant, aux thématiques fortes et à l’écriture remarquable
- Écrit par : Sylvie Gagnère
Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ Zelu est nigériane-américaine. Zelu est auteure. Zelu est paraplégique. Zelu est enseignante de littérature.
Sa famille – nombreuse – ne la comprend pas, ses livres n’intéressent pas les éditeurs, et elle se fait virer pour avoir dit ses quatre vérités à un étudiant arrogant. Contrainte de retourner vivre chez ses parents, désespérée, elle se lance dans l’écriture d’un roman de science-fiction, elle qui n’en lit jamais. Elle y parle d’androïdes et d’IA dans un monde post-apocalyptique où l’humain a quasiment disparu. Robots rouillés est un immense succès, et la vie de Zelu s’en trouve bouleversée.
L’argument peut sembler simple, voire simpliste, et pourtant... C’est un OVNI littéraire que nous propose Nnedi Okorafor, une réflexion profonde et éminemment puissante, foncièrement humaine surtout. La narration entremêle trois fils : le récit de Zelu de sa propre vie, des interviews de ses parents et amis, et des extraits du fameux roman qui l’a rendue célèbre. L’aspect purement science-fictif n’est pas évident, bien que la technologie du monde de Zelu soit un chouïa plus avancée que dans le nôtre (les voitures autonomes y sont une réalité par exemple) et cela peut dérouter le lecteur.
Nous sommes vraiment dans la tête de Zelu, même dans les passages de Robots rouillés, dont on comprend vite comment ils font écho à la vie de la jeune femme, et dans les paroles de ses proches, qui parlent encore d’elle, d’un autre point de vue. C’est une femme paraplégique nigériane-américaine, perçue comme « moins que » à cause de son handicap, y compris dans sa famille qui l’infantilise. Le retentissement colossal de son roman change sa vie du tout au tout – et pourtant...
Les thèmes abordés sont nombreux et particulièrement puissants : relations toxiques, racisme, validisme, misogynie. On y traite aussi du revers de la médaille lorsque le succès frappe à la porte, du comment on ne s’appartient plus tout à fait. Nnedi Okorafor parle surtout de récits, d’histoires que l’on se raconte, et que l’on raconte aux autres. Zelu est une héroïne complexe, marquante, forte, indépendante, elle est sûre d’elle et maladroite, égoïste et généreuse, et surtout très entière. Nous la comprenons parfois, nous l’apprécions souvent, elle nous est quelquefois totalement étrangère, nous pouvons détester ses choix, mais elle est toujours inspirante et émouvante. Les personnages qui gravitent autour d’elle sont aussi très humains, pleins de contradictions, et plus subtils qu’il n’y paraît de prime abord.
La mort de l’auteur questionne l’identité, le handicap, les traditions, la famille, le deuil, la douleur et l’amour. Il parle de créativité, de cyberharcèlement, de white-washing, de racisme, de patriarcat.
L’écriture est remarquable : lyrique, sèche, poétique, scientifique, elle épouse le récit pour lui donner corps. C’est un roman qui vous happe et ne vous lâche plus jusqu’à la dernière ligne. Mieux encore, il éveille en vous des échos qui ne disparaissent pas à la fin de la lecture, mais vous font vous interroger, réfléchir, vous émouvoir... Les amateurices de Nnedi Okorafor vont adorer, les autres découvriront une autrice hors du commun !
La mort de l’auteur
Autrice : Nnedi Okorafor
Éditions : Robert Laffont
Parution : 13 mars 2025
Prix : 22 €