Par Serge Bressan - Lagrandeparade.com/ Trois suggestions de lecture pour une semaine : d’abord, on commence avec le nouveau roman d’Eliette Abécassis, maîtresse dans l’art de sonder et raconter un couple ; ensuite, on enchaîne avec un essai signé Etienne Klein, philosophe des sciences, formidable vulgarisateur et bousculeur des ordres établis, et on boucle cette semaine de lecture avec l’aussi délicieux que délicat livre de Jacques Weber, empli d’amour et de mélancolie. Bonne lecture !

ELIETTE ABECASSIS : « Un couple Â»

Un jour de mai 2022 à Paris. Dans un parc, une femme assise sur un banc. Un vieil homme demande s’il peut « prendre place à côté de vous ? Â» Regard perdu vers l’horizon. La femme l’observe, le trouve beau : « Je vous en prie, Monsieur, asseyez-vous Â». Début de conversation, ouverture d’« Un couple Â», le nouveau roman d’Eliette Abécassis. Au fil de sa production romanesque depuis « Qumran Â» (1996), elle ausculte l’âme humaine, les sentiments ordinaires et extraordinaires. Dans ce texte nouveau, elle plonge au plus profond, au plus secret, au plus intime d’un couple. « J’aurais pu écrire sur le couple, confie-t-elle. J’ai voulu écrire sur un couple, anonyme et ordinaire. Universel aussi Â». Voici donc, rapportée par le vieil homme, l’histoire de Jules et Alice. Astuce technique de l’auteure : présenter cette relation d’une soixantaine d’années non pas selon l’ordre chronologique mais plutôt à rebours. En remontant le temps avec la chute du mur de Berlin ou encore Mai-68… Ecrire sur un couple « qui dure, un sujet qui est très rare dans le monde du roman Â», dit Eliette Abécassis. Dans l’histoire de Jules et Alice, flotte comme un air « saganesque Â». Comme une légèreté dans un couple sans histoire (du moins, en apparence) mais empli d’histoires. De tendresse et d’émotion.

Un couple
Auteure : Eliette Abécassis
Editions : Grasset
200 pages
Prix : 19 €

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ETIENNE KLEIN : « Courts-circuits Â»

Bousculer les ordres établis. S’offrir un chamboule-tout- pas seulement pour l’amusement, comme les enfants ! Etienne Klein, 65 ans, physicien, philosophe des sciences et directeur du Laboratoire de recherche sur les sciences de la matière est un des meilleurs vulgarisateurs sur des questions aussi pointues que la physique quantique et la physique des particules. Dresseur de loulous, dynamiteur d’aqueducs, il pétille une fois encore avec un nouveau texte, « Courts-circuits Â». Un titre à considérer dans ses deux sens, un texte placé sous la haute considération de Michel Serres qui assurait que « le disparate a des vertus que la raison ne connaît pas. L’invention naît, parfois, du mélange des genres, des courts-circuits Â». Klein, en grande forme, dénonce cette paresse de l’esprit, cette époque où la vie des idées, on la découpe « en secteurs Â», on la compartimente « en disciplines Â», on l’atomise « en petites spécialités étiquetées bien comme il faut Â». Constat implacable émis par un homme qui n’apprécie rien tant que déambuler parmi « Einstein et Rolling Stones, image et mirage, langage et impesanteur, raison et déraison... Â» La raison, oui, dit et répète Etienne Klein, mais avec des gens pas raisonnables. De ceux qui assurent que, seul, le rythme provoque le court-circuit poétique et transforme le cuivre en or...

Courts-circuits
Auteur : Etienne Klein
Editions : Gallimard
226 pages
Prix : 19,50 €

JACQUES WEBER : « On ne dit jamais assez aux gens qu’on les aime Â»

Délicieux hasard. Un jour, entendre une chanson, elle dit : « On ne dit jamais assez aux gens qu’on les aime Â». Réaction : voilà ce que je dois écrire. Explication : Jacques Weber, 73 ans, grand nom du théâtre et du cinéma français, tournait autour d’une envie d’écriture. Sans trop savoir sur quoi ni qui… Alors, cette chanson, ce titre… Une année de travail, une idée fixe et un but : parfaire l’écriture. Résultat : « On ne dit jamais assez aux gens qu’on les aime Â», le nouveau et enthousiasmant livre de Jacques Weber. Raconter les chemins d’une vie, l’enfance, l’adolescence, l’âge adulte. Et puis les coulisses de ce monde théâtral et cinématographique. Mais aussi tous ces gens qu’il a aimés, qu’il aime. Des connu.e.s, très connu.e.s comme Grace de Monaco, Montand- Signoret, Catherine Deneuve, Marcello Mastroianni, Francis Huster, Jacques Villeret ou encore Gérard Depardieu… Des anonymes. Des animaux aussi, telle cette fabuleuse Nénette, la grand-mère orang-outang du Jardin des Plantes à Paris… Trop souvent, les « livres de mémoires Â» commis par des comédien.ne.s sont d’une banalité affligeante. Il n’en est rien avec Jacques Weber, physique de granit et âme « impressionnable Â» : nourri aux mots de Molière et Shakespeare, il nous offre un grand livre d’amour et de mélancolie…

 On ne dit jamais assez aux gens qu’on les aime
Auteur : Jacques Weber
Editions : L’Observatoire
258 pages
Prix : 21 €