Le Grand Art : le premier roman d’Alexandra David-Neel
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / De cette femme née Louise-Eugénie Alexandrine Marie David le 24 octobre 1868 à Saint-Mandé en toute proche banlieue parisienne, l’Histoire retient qu’elle fut une aventurière intrépide, une écrivaine et une exploratrice solitaire. Qu’elle fut, au 20ème siècle, une des premières à voyager au Tibet et en Chine. On oublie (quand on ne l’ignore pas) que celle qui deviendra Alexandra David-Neel a, auparavant, fréquenté le Conservatoire Royal de Musique de Bruxelles et été cantatrice pendant une dizaine d’années après avoir obtenu un premier prix de « chant théâtral français » en 1889. S’inspirant grandement de cette expérience à une époque où elle était proche du géographe humaniste Elisée Reclus qui prônait un anarchisme non violent, elle écrit en 1901- 1902 un premier roman, « Le Grand Art », refusé par cinq éditeurs, sous-titré « Journal d’une actrice », demeuré inédit jusqu’aujourd’hui et enfin en librairies.
Donc, Alexandra David-Neel romancière, c’était sa vie d’avant. Mais surtout « Le Grand Art », c’est le journal intime et fictionnel d’une jeune chanteuse d’opéra nommée Cécile Raynaud. Dans ce roman, l’auteure raconte une « actrice dans la dèche ». Une actrice qui espère pouvoir vivre heureuse de son art et échapper aux vicissitudes de l’existence. « Le Grand Art », c’est aussi une plongée dans le monde du spectacle en ce carrefour des 19ème et 20ème siècles. Au hasard des pages, on lit : « En pensant à ces choses, il me semble que j’évoque le souvenir d’un rêve ou que je me rappelle le récit des aventures d’une étrangère… Est-ce bien moi qui ai vécu ces heures ? Est-ce moi qui, transie, l’âme vide, suis arrivée, ici, à la nuit tombée, dévisagée narquoisement par les servantes ? Moi qui, deux heures après, étais aux bras de cet homme, inconnu la veille, subissant passivement ses caresses, tellement brisée que, de ma chair, lasse jusqu’à l’anéantissement, ne monta même pas une protestation, un cri de révolte… » Cécile Raynaud est d’origine modeste, au début de l’histoire dans le Doubs un vendeur de bestiaux subvient à ses besoins si elle accepte de vivre chez lui. Dans le village, le maire puis son fils lui feront des avances- qu’elle acceptera. A chaque rencontre, elle sait qu’elle va être trahie ; elle songe souvent au suicide. Atteindra-t-elle un jour ce Grand Art, cet « Art sublime inaccessible au pauvre » ?
Avec « Le Grand Art », Alexandra David-Neel signe un grand texte de révolte, pratiquant avec talent la dénonciation d’un ordre moral et social figé, prônant aussi l’émancipation des femmes.
Le Grand Art
Auteur : Alexandra David-Neel
Editions : Le Tripode
Parution : 11 octobre 2018
Prix : 23 €