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« Le dernier rêve » : Pedro Almodóvar est aussi (excellent) écrivain !

  • Écrit par : Serge Bressan

AlmodovarPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Une confidence : « J’ouvre la porte sur une partie de ma vie dont je n’ai jamais parlé ». Et encore, après avoir ressorti des histoires qui prenaient la poussière dans de vieux classeurs bleus : « Je n’étais pas satisfait de ma performance d’écrivain. Je trouvais mes récits puérils et prudes. Pourtant, quand je les ai relus, j’ai été agréablement surpris. Je m’y suis retrouvé. Finalement, je suis toujours le même ».

A 74 ans, né le 25 septembre 1949 à Calzada de Calatrava (province de Ciudad Real) et figure centrale et essentielle de la Movida en Espagne au carrefour des années 1970-1980, Pedro Almodóvar s’invite pour la deuxième fois en librairies avec « Le dernier rêve »- un recueil de douze récits- le cinéaste espagnol avait publié en 1991 un éblouissant premier livre, « Patty Diphusa. La Vénus des lavabos », dans lequel la sex-symbol toxico et « star internationale du porno » était invitée par un directeur de revue branchée à raconter ses mémoires et, comme elle ne dort jamais, avait beaucoup de choses à dire.
Superstar du cinéma mondial, Almodóvar aura donc attendu plus de trente ans pour revenir au livre. Pour « Le dernier rêve », il réunit des textes écrits de la fin des années 1960 à aujourd’hui pour, comme l’indique son éditeur français, « une incursion fascinante dans l’imaginaire baroque de l’un des plus grands réalisateurs européens ». Dans une courte et dense introduction, l’auteur précise plusieurs données nécessaires à la compréhension, à l’appréhension de l’ouvrage. Ainsi, d’emblée, il précise : « J’ai toujours refusé d’écrire mon autobiographie (…) Je n’ai jamais tenu de journal intime : chaque fois que j’ai essayé, je n’ai pas dépassé la deuxième page. Ce livre constitue donc ma première contradiction. C’est ce qui ressemble le plus à une autobiographie morcelée, incomplète et quelque peu cryptique ». Et là, dans le creux des douze récits (dont quatre qui sont des « captures de ma vie à l’instant où je la vivais, sans une once de distance »), on a donc tout sur Almodóvar qui prend soin d’indiquer dans une adresse au lecteur : « Ce recueil de récits (je donne le nom de récit à tout, sans faire de distinction entre les genres) montre le lien étroit entre ce que j’écris, ce que je filme et ce que je vis ».
Là en images sur écran, ici en mots dans les pages, Almodóvar est un grand et délicieux raconteur d’histoires. Avec d’inoubliables personnages, dont certains déjà croisés ici ou là. Il y a ce jeune travesti, « cette fille de vingt-cinq ans environ qui attire l’attention des passants à cause de sa tenue extravagante » qui va affronter le prêtre qui l’a détruite pour toujours. Il y a Leòn, bourreau des cœurs et qui s’en prend à son amant metteur en scène, et qui brille sur les planches du théâtre en se glissant dans le rôle de Blanco, version masculine de la Blanche DuBois d’« Un tramway nommé Désir »…
Au fil des pages, Almodóvar note, consigne, pointe ses anxiété, mélancolie et ennui existentiel. Dans le récit magnifique qui donne titre à ce recueil, il raconte ce dernier rêve que leur mère a raconté à lui et à son frère Agustin, quelques heures avant sa mort en septembre 1999 : « Tout ce qu’elle a dit lors de cette dernière visite, à partir du moment où elle nous a demandé s’il y avait de l’orage, est resté gravé dans ma mémoire. Ce vendredi était un jour ensoleillé et la lumière entrait par la fenêtre. À quel orage ma mère faisait-elle référence dans son dernier rêve ? » 
Interrogé peu avant la parution du « Dernier rêve », l’Espagnol confessa : « Dans le monde des écrivains, je me sens un peu comme un intrus. Je les admire tant… » Et de préciser, comme pour mieux se faire comprendre : « Avoir publié ce livre ne fait pas de moi un écrivain non plus. Je n’en ai pas honte et je crois qu’il vaut la peine d’être lu. Mais la grande littérature, c’est autre chose. Moi, je veux seulement que mes livres soient divertissants ».

Le dernier rêve
Auteur : Pedro Almodóvar
Traduction : Anne Plantagenet
Editions : Flammarion
Parution : 28 août 2024
Prix : 21 €

Extrait

« Je me savais écrivain depuis l’enfance. J’ai toujours écrit. Si je n’ai jamais eu de doute quant à ma vocation littéraire, en revanche je n’ai jamais été sûr de la réussite de mes écrits. Je parle de ma passion pour la littérature et l’écriture dans deux récits, « Vie et mort de Miguel », rédigé au cours de quelques après-midi entre 1967 et 1970, et « Un mauvais roman », qui date de 2023. (…) Ce sont tous des récits initiatiques (je considère cette étape toujours en cours) et beaucoup d’entre eux sont nés pour chasser l’ennui ».


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