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Jusqu’à ce que les pierres deviennent plus douces que l’eau : le roman d’un géant, António Lobo Antunes

  • Écrit par : Serge Bressan

BelfondPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Il dit : « Je suis un idiot illuminé Â». Il a bientôt 77 ans (le 1er septembre prochain), a été psychiatre, participé à la guerre coloniale dans les premières années 1970, écrit vingt-neuf livres- vingt-quatre sont traduits en français dont le tout récent « Jusqu’à ce que les pierres deviennent plus douces que l’eau Â». Chaque année, le nom d’António Lobo Antunes figure parmi les favoris pour le prix Nobel de littérature. Né à Lisbonne dans le quartier de Benfica, il est tenu pour un des plus grands écrivains portugais- mieux : du monde… Un géant de la littérature contemporaine. C’est justifié- on en a une nouvelle preuve avec ce nouveau roman- titre magnifique : « Jusqu’à ce que les pierres deviennent plus douces que l’eau Â»â€¦ Et avec Lobo Antunes, c’est l’assurance d’un grand voyage en mots au fil des pages. Une fois encore, c’est foisonnant, bouleversant, émouvant, décapant, furieusement maîtrisé, follement construit.

Résumé, « Jusqu’à ce que les pierres… Â» en vingt-trois chapitres raconte l’histoire d’un jeune sous-lieutenant qui a servi pendant vingt-sept mois en Angola. Il rentre au pays avec un jeune orphelin, un enfant noir qu’il va élever comme son propre fils. L’enfant a survécu à la destruction de son village et au massacre de ses parents par l'armée portugaise. Des compagnons de guerre préviennent le sous-lieutenant : « Il va grandir mon sous-lieutenant, et il se vengera de vous Â». Une quarantaine d’années plus tard, l’ancien militaire et sa femme quittent donc leur domicile de Lisbonne, direction la vieille maison de famille dans un village reculé, quasi abandonné, quelque part au pied des montagnes. Dans trois jours, c’est la tradition, on tuera le cochon. C’est la « tue-cochon Â» et comme chaque année, leur fille, leur fils adoptif et son épouse les y retrouvent. Mais ce jour-là, l'animal ne sera pas le seul à se vider de son sang…
Dans ce roman cruel et envoûtant, s’élèvent les voix des différents membres d la famille. On entend plus particulièrement celle du père que l’Angola a marqué à jamais : « Et cette nuit, comme tant de fois depuis quarante-trois ans, j’ai encore rêvé de l’Afrique, pas des attaques qui commençaient toujours avec la mitrailleuse (…) juste de moi devant les barbelés en train de penser à Lisbonne, voyant le fleuve, les bateaux, les maisons Â». Celle du fils, aussi, avec son identité de « Nègre Â» : il doit affronter l’hostilité du voisinage et du quotidien, et aussi le racisme- dont celui de sa femme qui ne craint pas de le mépriser en permanence…
« Jusqu’à ce que les pierres deviennent plus douces que l’eau Â»- joli titre qui fait référence aux calculs rénaux de la femme du sous-lieutenant, c’est le roman des sensations, des souvenirs, des fantasmes, des cauchemars, des hallucinations dans des mondes où tout est entrelacé, emmêlé… Et, une fois encore, avec une écriture en diffractions, António Lobo Antunes signe un texte d’une profondeur immense.

Jusqu’à ce que les pierres deviennent plus douces que l’eau
Auteur : António Lobo Antunes
Editions : Christian Bourgois
Parution : 31 janvier 2019
Prix : 23 €


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