Par Catherine Verne - Lagrandeparade.fr/ Il a fait ce dont beaucoup rêvent : tout plaquer pour s'exiler sur une île chaude au large de l'Espagne. En bon danois élevé au risalamande et nageant à trois ans en mer du Nord, on imagine aisément que le héros ait jeté son dévolu sur un atoll d'un exotisme aussi torride que hospitalier. Que nenni, le bougre a élu domicile dans une cabane ventée de bois secs de Fuerteventura, l'ingrate coutumière de la calima, la presque africaine au coeur de sable, la fourbe doyenne des Canaries... ou, pour citer l'auteur en un mot, l'île qu'il est raisonnable de quitter assez vite...

Et il a pris la formule all inclusive: vue imprenable sur les chèvres, wifi inconnu mais cabines téléphoniques à pièces, exposition aux premières loges du chergui, et mode comateux assuré dès que midi brandit son pic fatal. Voilà donc le décor: l'intrigue prend place dans une île et ce n'est pas sans effet sur l'atmosphère générale du roman que son auteur ait fait de Fuerteventura le personnage principal, véritable alter ego du héros de chair, Erhard Jorgenson. Expatrié dans son désert érodé, ce dernier a troqué l'Aquavit contre le cocktail lumumba, au rhum et chocolat, pour trinquer le soir avec ses amis du cru, Raul et Beatriz. Le jour, il conduit des clients dans son taxi sur les routes sèches de tout le relief et accorde à l'occasion les pianos. Tout roule jusqu'à ce qu'un événement inopiné, comme qui dirait un accident de terrain, affecte toute l'île par onde de choc: un bébé est retrouvé abandonné dans une voiture; il est mort de faim au fond d'un petit carton. Le sang du vieux garçon bourru ne fait qu'un tour de l'île, suivi par son taxi sur des chapeaux de roues, à la chasse d'indices sur fond de corruption et de réglements de compte dans cette enquête sur ce qui a bien pu se passer. C'est qu'une faille sans fond s'est ouverte dans le quotidien pépère de l'île et de notre héros. Mais l'exploration requiert de la témérité pour se frotter au cynisme des hommes et il faut avancer en lecteur averti entre les lignes par le romancier: il est des îles qui dévorent leurs enfants...

Dans l’île
Auteur: Thomas Rydahl ( Traduit par Catherine Renaud)
Editeur: Belfond
Parution: 20 octobre 2016
Prix: 22 euros