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La lionne noire de Stockholm : un polar original et subversif

  • Écrit par : Guillaume Chérel

LéonaPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/  Stockholm, un jour de septembre. Une petite fille de sept ans, nue et recouverte de sang, braque une banque du centre de la ville avec pour seules armes un ours en peluche et un magnétophone. La fillette disparaît ensuite avec l'argent. La trouble et manipulatrice Leona Lindberg s'arrange pour récupérer l'affaire avant ses confrères de la police judiciaire. Christer Skoog, lui, est journaliste. Il dispose d'embarrassantes informations au sujet de Leona ; des informations qu'il est prêt à taire si cette dernière accepte de l'aider à résoudre une enquête qui l'obsède depuis des années... L’héroïne borderline, au sombre passé, est l’élément clé de ce polar original et subversif.
La nouvelle reine du polar scandinave est black. « Leona les dés sont jetés Â», le premier thriller de Jenny Rogneby, best-seller en Suède dès sa sortie, et dont Hollywood vient d’acquérir les droits, débarque en France et dans une vingtaine d’autres pays. Nous l’avons rencontré à Paris. D’origine éthiopienne, née en 1974, tout semble réussir à cette bombe black. Chanteuse pop – en demi-finales de la sélection Suédoise pour l’Eurovision, en 2007 – elle s’est produite en première partie d’un concert de Michael Jackson, devant 80 000 personnes, en 1997, à Tallin (Estonie). Parallèlement à sa carrière musicale, Jenny Rogneby s’intéresse au comportement humain : « Ce qui se cache derrière les choix que nous faisons et comment la société nous affecte Â», dixit.
Sa conclusion : « Les criminels sont stupides, la plupart du temps Â». Reste des questions. Comment justifient-ils leurs actions ? Où sont les limites de la police ? Elle a commencé à étudier des sujets tels que la criminologie, la sociologie, le droit et la psychologie à l'Université de Stockholm, où elle a obtenu un diplôme de criminologue. Sept ans durant elle travaille comme enquêteur au Service de police de la capitale suédoise. Jusqu’au jour où elle a eu un flash : « J’ai vu une petite fille, nue et ensanglantée, portant un ours en peluche, entrer dans une banque pour la braquer. Â» Ce sera le début de son premier polar, « Leona les dés sont jetés », qu’elle écrira pendant une année sabbatique. Devenu best-seller, dès sa sortie dans son pays, il y a deux ans, elle a décidé de quitter la police et de se consacrer à l’écriture.
Pas étonnant qu’un médium soit un des personnages de son roman. Jenny a eu d’autres visions : « Une grande partie de mon écriture tourne autour de scènes que j’ai visualisées, comme dans un film Â». Il était logique également que les studios d’Hollywood achètent les droits de ce polar pas banal, dont elle vient de terminer la suite.
Jenny Rogneby s’est évidemment inspirée de son expérience pour camper le personnage de l’enquêtrice, Leona Lindberg, mais elle lui a créé une personnalité ambigüe, au sombre passé. Le tour de force de Jenny Rogneby est de ne pas la rendre trop antipathique, alors que certains de ses actes sont pour le moins choquants. Sans dévoiler l’intrigue, disons seulement qu’elle joue au poker, couche éventuellement avec son supérieur, si ça peut servir sa carrière et ce ne sont là que des broutilles.
On connaissait l’anti-héros (blanc), hard-boiled (dur à cuire), un grand classique du roman noir. Jenny Rogneby a inventé l’héroïne politiquement incorrecte. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle a créé un personnage féminin borderline… Telle une amazone, par sa façon de penser, d'être, et d'agir, Leona enfreint les règles morales de la société. Mais elle a ses raisons. Son fils souffre d’une grave maladie. Elle a donc besoin d’argent… Si elle joue au poker, la nuit, et trompe son mari, c’est pour en gagner. Si elle va jusqu’à se prostituer, c’est toujours pour la bonne cause. En un sens, c’est une ultra-féministe, dont la liberté est l’obsession. La perspective d’avoir une petite vie rangée et programmée lui donne la nausée. C’est la principale qualité ce thriller surprenant, voire parfois dérangeant. Jenny Rogneby n’a pas un grand style mais elle tire les ficelles de ce premier roman d'une main de maître. Avec ce personnage atypique de Leona, elle fait une entrée fracassante dans le monde du thriller.

Leona , de Jenny Rogneby, traduit du suédois par Lucas Messmer, 398 p, 21, 50 €, Presses de la Cité, collection Sang d’encre.


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