Polar : Quand les libraires se mettent à écrire…
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ Déjà auteur jeunesse -en France on aime bien cataloguer les écrivains- chez Sarbacane, Benoît Minville a réalisé son rêve en publiant son premier polar, « Rural noir » dans la légendaire « Série Noire ». Libraire de métier, il apprécie particulièrement le roman noir à l’américaine, qui sent bon le houblon et le bayou. Et c’est tout sauf un plouc, comme on disait avant, mais il connaît manifestement bien la France dite profonde.
En l’occurrence la Nièvre où se passe l’action de son livre écrit avec les tripes : « Mon envie était de plonger ce coin ravagé par la crise dans une fiction. Incarner des personnages dans un roman sombre mais aussi lumineux par moment, un ensemble tendre et cruel ». C’est son hommage au country redneck du genre « noir » américain, tout en fouillant le réel bien d’chez nous. En ce sens, on lorgnera davantage du côté du vosgien Pierre Pelot, que de celui de feu James Crumley, qui créchait dans le Montana (Missoula) ; et surtout dans son meilleur bar… Bref, ça picole sec chez Minville mais français môssieur, comme à la campagne. Une campagne désertifiée, comme on le sait, et ravagée par le chômage. C’est un des intérêts de ce premier galop d’essai : il s’agit bel et bien de roman noir puisqu’il y est question du monde actuel tel qu’il va (mal) et non du nombril de l’auteur.
Dans la thématique, il y avait tout pour plaire à Aurélien Masson, directeur de la Série Noire chez Gallimard : du gros son (hard rock), de la baston (de « péquenots »), bref, du sang, de la chique et du mollard… Benoît Minville raconte les « petits blancs » des villages reculés, qui se retrouvent dans les rares cafés ouverts du coin, et les fêtes de village, qui se terminent en général en bagarre d’ivrognes. « Rural Noir », c’est un bouquin qui parle d’amitié, de famille et de culpabilité, mais aussi de territoires en friche, de tissu social qui s’érode. Un côté Ken Loach, à la française, j’vous dis, sans tomber dans le régionalisme.
Mais de quoi ça cause au fait ? Adolescents, Romain, Vlad, Julie et Christophe étaient inséparables. Ils vivaient dans la même cambrousse dans l'insouciance. La fin de l'innocence est arrivée un été, lors d’un drame inhérent à tout bon polar qui se respecte. Après dix ans d'absence, Romain revient dans sa Nièvre chamboulée par la crise, et découvre les différents chemins empruntés par ses amis. Pas de place à la nostalgie joyeuse. La réalité est sombre. « Rural noir » dresse le portrait d'une certaine jeunesse française. Celle du peuple d’en bas, comme disait Jack London. Le peuple oublié de l’abîme social. C’est à la fois violent mais aussi tendre et positif. Minville a un style simple, sans fioritures. C’est réaliste donc juste. Un auteur à suivre…
Rural Noir
Auteur : Benoît Minville
Editions : Gallimard
Collection: Série noire
Parution : 18 février 2016
Prix : 18€