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Jean-Christophe Grangé : qui a tué dans Lontano?

  • Écrit par : Catherine Verne

LontanoPar Catherine Verne - Lagrandeparade.fr/ Parlons peu, parlons bien du dernier thriller de Jean-Christophe Grangé qui vient de paraître chez Albin Michel. Par quel bout prendre ce roman de 800 pages? Par le début peut-être car le titre, "Lontano", à lui seul, intrigue. Cherchez, vous trouverez sa définition littérale; mais encore? Un indice: le vocable suggère que l'affaire remonte au passé. Et, comme à "La grande parade" on vous aime, on va vous faire gagner du temps sur la lecture de ce roman-fleuve en vous disant qui a tué d'entrée, histoire de zapper l'étape du rebirth et tutti quanti. Comme ça, ce sera fait. Et vous nous aimerez encore plus plus plus. C'est pas gentil ça? On pourrait plutôt vous donner l'eau à la bouche, peine inutile, le début du roman suffisant à vous emporter de lui-même. Donc, venons-en à ce qui nous intéresse, tous, trève d'hypocrisie: qui a tué?

 

Il serait tentant de vous faire languir avant cette faveur, vous invitant par exmple devant "Lontano", à vous souvenir du goût de l'auteur déjà marqué  pour les langues anciennes à l'époque de "Miserere"(Albin Michel 2012).  Cela dit, comme on sait aussi que ce qui inspira notre romancier, au début de sa carrière, ce sont les oiseaux migrateurs dont il aimait suivre les reportages sinon l'envol, on aurait tendance à ne pas trop s'en faire: quoi de plus placide en effet qu'une cygogne? Mais, comme ses cygognes, Grangé conduit ici ses lecteurs en Afrique, bien loin du rationalisme cartésien. Attention, cette Afrique là, c'est la sulfureuse, pas celle de votre anniversaire de mariage cet été en station balnéaire all inclusive, mais l'Afrique avec un grand A, celle qui sent la graisse rituelle des sacrifices et la latérite boueuse des saisons des pluies sur fond de jungle moite et d'incantations.
Toutefois cette part occulte du décor ne donne pas seule le ton du thriller. Il y a la famille du héros flic, bretonne, traversée de tensions où rôde une haine quasi viscérale du père à la fille en passant par la mère et les fils, à se demander si le crime le plus trash ne va pas avoir lieu au sein de ce foyer modèle, un dimanche midi entre la poire et le fromage.
Mais il ne s'agit pas de vous en dire trop non plus. Parce qu'on ne veut pas de problème avec l'éditeur ni l'auteur. D'accord pour le tueur, une promesse est une promesse. Et puis notre philosophie est d'aller à l'essentiel, pas de fournir du remplissage, le cahier des charges impliquant le respect rigoureux d'un certain nombre de signes pour chaque chronique. Sinon où va-t-on en effet? Dans des considérations interminables sur la traduction du mot "lontano", de son étymologie à ses usages vulgaires, sur la psychologie de la soeur du héros en mode patient désigné par la systémie familiale, sur le fétichisme dont font l'objet dans certaines communautés la trousse à outils et ses dérivés, sur les rituels de bizutage militaire qui n'ont rien à envier à ceux des Bambara de Nouvelle-Guinée... Bref. Assez de fioritures, de longueurs, de digressions, venons-en au principal: le tueur!
Parce que bien entendu on ne vous parlerait pas de thriller s'il n'y avait pas meurtre. Rien que le mode opératoire criminel suffira à vous occuper un moment, décrit à plusieurs reprises dans le cours du roman, avec mult détails légistes à l'appui pour les plus assoiffés de gore parmi vous qui, depuis "les Rivières Pourpres" (Albin Michel 1998) ou "Kaïken" (Albin Michel 2012), attendez les descriptions sanguinolentes de J-C au tournant.
Néanmoins, pour bien comprendre qui a tué, encore faut-il savoir pourquoi ... sinon rien ne vous semblera avoir de sens. Mais alors là si on vous raconte pourquoi, inutile d'ouvrir le livre. Ou alors pour le style? Le style parfait pour un bon scénario au rythme soutenu, avec des pics haletants et des ralentissements en mode grand huit, vous savez : juste avant de repiquer à grande vitesse pour vous dévisser la tête de votre harnais sur une scène ahurissante ou un rebondissement insoupçonnable. Kassovitz ayant déjà adapté Grangé au cinéma, peut-être que ce nouveau roman connaîtra un sort semblable. On tient véritablement là le genre d'histoire dont on imagine approprié de suivre l'intrigue sur le grand écran. Une façon comme une autre de parvenir en une heure trente à savoir qui a tué plutôt qu'en trois jours de lecture acharnée du pavé, insomnies nocturnes comprises. Ou en quatre minutes de survol d'une critique qui n'en finit pas de conclure et joue avec nos nerfs.
Soit, laissons tout cet éloge de Grangé qui vous importe peu bien sûr, et comme on vous comprend! Ce que vous attendez, c'est le nom du tueur... Une fois que vous serez comblé à ce propos, soyez reconnaissants, lisez tout de même: vous remarquerez la maîtrise du suspense par l'auteur, jusqu'à la dernière ligne. Si bien que, voyant s'amenuiser le nombre de pages qui vous séparent de la fin, vous en viendrez à vous demander régulièrement et avec une certaine dose d'anxiété irrationnelle, semblable à celle qui vous envahit au bas de cette critique, comment notre virtuose va parvenir à orchestrer "la" révélation que vous désespérez de lire, en quatre pages, ou plutôt paragraphes seulement, non trois,... deux...
Cependant, parvenu au terme de cette chronique, comme au terme du roman d'ailleurs, il faut bien en venir au fait. Ou pas : on ne vous dira rien de la conclusion du livre mais l'espace imparti à cet article se trouvant quant à lui utilisé dans sa totalité, en admettant qu'on rogne sur la ponctuation et quelque fin de mot sans plus d'égard pour la grammaire et la règle des accords -qui nous ont fait perdre un temps considérable, il faut bien le dire- voici le nom du tueu

Lontano

Auteur: Jean-Christophe Grangé
Editions: Albin Michel
Parution : 10 septembre 2015
Prix : 24,90 euros


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