Jean-Claude Perrier : Malraux et la reine de Saba
- Écrit par : Guillaume Chérel
Par Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ A l’occasion du 40e anniversaire de la disparition d’André Malraux, Jean-Claude Perrier ressuscite l’expédition du grand écrivain sur les traces de la Reine de Saba. Il y a déjà eu une somme de 700 pages sur cette épopée magique : la biographie d’Olivier Todd paru chez Gallimard en avril 2001 mais l’essai de Jean-Claude Perrier sur l’auteur de « l’Espoir » est d’une autre facture. Déjà, il faut oser publier un essai en pleine rentrée littéraire ! Même « po » peur, le finaliste du Renaudot essai en 2014 (avec « Comme des barbares », Fayard) en a vu d’autres, c’est un baroudeur du journalisme littéraire.
Mais revenons à notre homme de légende. Le 9 décembre 1933,la publication « Toute l'édition » publie une déclaration d'André Malraux : « Je pars le 8 janvier prochain pour un raid de découverte en Afrique. Je veux essayer de repérer une ville inconnue qui fut la capitale d'une civilisation disparue, et dont je connais l'emplacement (…) ». Une légende vivante part à la découverte d’un mythe englouti. Un aventurier du XXe siècle se met en quête d’une souveraine qui régna trois mille ans plus tôt. Un lauréat du Prix Goncourt accomplit son rêve d’enfance en recherchant dans les sables le fantôme d’une femme couronnée et les vestiges oubliés de sa cité fabuleuse.
Il fallait bien un autre écrivain voyageur comme Jean-Claude Perrier pour ressusciter l’expédition que mena André Malraux, en 1934, au Yémen, pour retrouver la reine de Saba. Rejoindre l’Orient littéraire, replonger dans la Bible et le Coran, relire Flaubert et Lawrence d’Arabie (Malraux rêvait d’écrire ses « Sept Piliers de la Sagesse », de T.E. Lawrence), compulser encore une fois des cartes muettes, emprunter à nouveau les ailes de Mermoz et de Saint-Exupéry, tutoyer l’aviateur Corniglion-Molinier par-delà la mort, arpenter inlassablement le désert et rêver les ruines : le cadet refait ici le voyage de l’aîné. Et en dénoue le secret intérieur : avec son reportage publié dans « L’Intransigeant », Malraux signa l’adieu à sa jeunesse. De la montée des totalitarismes dans l’Europe d’hier à l’incendie qui ravage aujourd’hui le berceau de l’Écriture, entre la Méditerranée et la mer Rouge, cet essai, à la croisée de la chronique et de l’histoire, de la biographie et de la critique, mené à grand train et avec style, nous interroge sur l’abyssal rétrécissement du monde et de notre imaginaire.
On connait Malraux. Un peu moins Jean-Claude Perrier. Né à Paris en 1957, il est journaliste littéraire à Livres-Hebdo. Écrivain, il est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages dans des genres et sur des domaines divers, qui correspondent à ses passions éclectiques et parallèles : l’Antiquité, l’archéologie littéraire, la musique (rock et chanson française), l’Inde, le havane… Grand voyageur, il a effectué de nombreuses tournées ou missions pour différents organismes (Alliance française, Culturesfrance, ambassades, CNL...). Jean-Claude Perrier avait déjà écrit sur le grand homme : « André Malraux et la tentation de l’Inde, textes et documents » (Gallimard, 2004). C’est un enquêteur littéraire, de l’acabit de Pierre Assouline, ce qui est un compliment.
André Malraux et la reine de Saba , de Jean-Claude Perrier, Editions du Cerf , 176 p, 14 €.