Sex Friends : ....ou comment aborder la relation amoureuse de manière amicale, sans être radical
- Écrit par : Valérie Morice
Par Valérie Morice - Lagrandeparade.com/ Selon une étude IFOP, » vingt ans après le lancement du premier site de rencontre en France, leur fréquentation constitue une pratique de plus en plus répandue : 1 Français sur 4 (26%) déclare s’être déjà inscrit sur un site ou une application de rencontre, soit une proportion qui a plus que doublé depuis la première mesure réalisée dans l’hexagone il y a une douzaine d’années (environ 11% en 2006). »
Dans « Sex Friends – comment (bien) rater sa vie amoureuse à l’ère numérique », Richard Mèmeteau nous offre une approche philosophique de la « drague numérique » de manière intelligente et posée.
A l’époque du minitel, les « plans cul » (terme qui a fait son entrée dans Le Petit Robert en 2013), étaient limités dans l’espace, tandis que maintenant les relations entre hommes et femmes se font de façon beaucoup plus directe grâce à la géolocalisation d’une application de type Tinder ; mais est-ce réellement productif ?
Où se situer et comment s’y retrouver dans cet hypermarché du sexe, des sentiments et des corps, dans ce capitalisme amoureux qui fait de nous un obscur objet du désir ou pire, un fantasme?
Alors qu’à notre époque 45% des mariages finissent par un divorce, que peut-on attendre des rencontres virtuelles, même s’il est à noter que leurs échecs peuvent mettre un place une réflexion personnelle, voire une remise en question de soi-même : pourquoi cela ne fonctionne pas, que dois-je attendre d’une rencontre « numérique »?
« Vu qu’on devient nous-mêmes des produits, on subit les mêmes lois que les objets qu’on achète. Tout se remplace hyper vite, même nos histoires d’amour. Obsolescence programmée. »
Alors qu’autrefois l’amour pouvait potentiellement mener au sexe, nous devons désormais constater qu’inversement c’est le sexe qui peut conduire à l’amour, car lors d’un rendez-vous, la meilleure réaction est de ne rien espérer, plutôt s’attendre à tout.
L’auteur, non sans humour, dresse au cours de cet essai les différents portraits et profils des addicts aux sites de rencontre en les illustrant, au gré de ses théories, d’exemples cinématographiques et musicaux (un grand hommage à Ben Stiller y est d’ailleurs rendu, qui à lui seul réunit tous les cas de figure du mec désespéré qui n’arrive pas à conclure dans la majorité de ses films).
Parmi les profils recherchés sur ces sites de rencontre, vous allez faire connaissance avec le/la « moche sexy », la « salope éthique », démasquer les imposteurs qui se créent de faux profils (« Internet est le royaume des petits mensonges. Descriptions, âge, mensurations fausses, photos truquées ou d’une autre époque, tous les moyens sont bons ») et découvrir probablement le vrai visage de ceux qui pratiquent le racisme sexuel (« fantasmer une qualité sensible ou un stéréotype racial transforme l’autre en objet »).
La conclusion de cette réflexion sur les « sexe/amitié », est sans appel pour l’auteur : par la prudence « on chope moins de maladies, par l’efficacité « on baise mieux » et du point de vue éthique « on ne traite pas l’autre comme un produit ».
Les beaux jours des sites de rencontres ne semblent cependant pas mis en danger : en 2014, Happn, la version Française de Tinder a fait son entrée sur le marché du dit « capitalisme émotionnel » et compte à l’heure actuelle pas moins de 4.6 millions d’abonnés en France.
Son credo ? « Découvrir des personnes que vous avez croisées, qui vous plaisent et que vous aimeriez retrouver » (tout ceci bien entendu fonctionnant une fois de plus par le biais de l’hyper géolocalisation), et mettre en avant le fait que le coup de foudre se trouve peut-être au coin de la rue. Encore faudrait-il faire preuve de patience…
Richard Mèmeteau est professeur de philosophie. Observateur de la vie culturelle, il a contribué aux Inrocks, à Audimat et à la Revue du Crieur. Il aime jouer le « script doctor » de fortune en échange d’un café allongé et citer RuPaul sur son profil Grindr. Il est l’auteur de « Pop culture. Réflexions sur les industries du rêve et l’invention des identités » (Zones, 2014).
Sex Friends
Editeur : Zones
Date de parution : 16 mai 2019
Nombre de pages : 192
Prix : 17.00€