Une semaine de lecture avec Martin Amis, Sabri Louatah et Richard Powers
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Trois suggestions de lecture pour cette semaine. D’abord, on commence avec l’auteur britannique Martin Amis, maître de l’ironie et de la fantaisie pour un « vrai-faux polar ». On enchaîne avec Sabri Louatah et son nouveau roman aux formes d’un thriller bouleversant et haletant. On boucle avec le toujours impeccable Richard Powers qui signe un texte écologique et poétique avec une île du Pacifique pour décor. Bonne lecture !
MARTIN AMIS : « Train de nuit »
Une belle réputation pour l’auteur britannique Martin Amis : féroce, mordant, le verbe haut… On vantait aussi son art de l’ironie, son humour, sa fantaisie. Au printemps 2023, il s’en est allé- il avait 73 ans et une magnifique bibliographie sur son CV. Dont quelques chefs-d’œuvre, parmi lesquels « Train de nuit », paru originellement en 1997 et qui, en VF, revient en librairies. L’éditeur nous annonce un « vrai-faux polar ». Avec une « femme de police » qui prend la vie avec distance, elle s’appelle Mike Hoolihan et ne semble pas spécialement marquée par son mariage raté et les démons de son passé. Sa mission du moment : enquêter sur la mort de Jennifer Rockwell, la fille du commandant de sa brigade. Thèse de départ : études brillantes, éducation raffinée et physique resplendissant, Jennifer s’est suicidée, mais son père est persuadé qu’il s’agit là d’un acte criminel. L’enquête bouscule le quotidien de Mike- un jour, elle dit : « La ville joue en attaque. Nous en défense. Voilà pour l'essentiel ». Déroulant une enquête aussi grinçante qu’un train zébrant les rails dans le silence de la nuit, Martin Amis signe un thriller truqué, un roman brillant et métaphysique en se jouant des codes du roman policier tout en sondant les profondeurs des complexités des êtres humains.
« Train de nuit »
Auteur : Martin Amis
Calmann-Lévy
160 pages
Prix : 19,50 €
SABRI LOUATAH : « Safari »
Pour décor, la serre tropicale de Lincoln Park à Chicago. Un homme et son fils de 4 ans, Elliott, se promènent. Le père croit avoir perdu son petit garçon, « soudain, j’ai cessé d’entendre le son de sa voix. Mes mains affolées ne trouvaient plus sa tête nulle part ». Puis il entend : « Il faut être deux pour jouer à cache-cache ». L’homme qui, alors, parle au père se prénomme Gabriel, il vient de retrouver le petit garçon. Etrange : cette voix est identique à celle du père du père, disparu il y a vingt ans sans laisser d’adresse- « Quand il n'y avait pas de cadavre à pleurer, quand nos chers regrettés étaient peut-être encore vivants, tous les remèdes classiques demeuraient provisoires. Le champ de la douleur n'avait pas de clôture »… Vraiment étrange- alors, le père du petit garçon va tenter de nouer d’amitié avec Gabriel, ça devient chez lui une obsession, il enregistre la voix de l’autre à son insu. Des souvenirs du temps d’hier reviennent, des fêtes de Noël, une mère fantasque, une épouse psy. Des souvenirs aussi du père, devenu sujet tabou dans la famille. Après « Les Sauvages », texte adapté en série à la télévision, Sabri Louatah est de retour avec « Safari », un roman très réussi, mêlant l’intime et le haletant, un thriller aussi bouleversant que trépidant sur la paternité.
« Safari »
Auteur : Sabri Louatah
Editions : Flammarion
240 pages
Prix : 21 €
RICHARD POWERS : « Un jeu sans fin »
Bardé de récompenses (dont un National Book Award for fiction en 2006 et le prix Pulitzer en 2019 pour « L’Arbre-monde »), l’auteur étatsunien Richard Powers avoue se lever parfois en se demandant : « Puis-je vivre dans ce monde ? » Avec son nouveau et enthousiasmant roman, « Un jeu sans fin », il esquisse une réponse, plaide pour l’océan malade et sort je grand jeu, rêvant d’un autre monde et espérant redessiner l’avenir de l’humanité. Alors, quatre personnages vont habiter son nouveau texte : Evie, folle de plongée de l’âge de 12 ans, consacre sa vie à l’exploration des fonds marins et s’extasie devant le spectacle de raies manta : « Elle souriait comme si le monde était déjà fini » ; Ina, artiste polynésienne, compose des sculptures avec des déchets plastiques qu’elle glane sur les plages, et Todd et Rafi, deux lycéens étatsuniens amis, se passionnent pour le jeu de go- l’un plonge dans la littérature, l’autre révolutionne l’intelligence artificielle. On les retrouve sur une île du Pacifique, Makatea, ravagée par des décennies d’extraction minière et menacée par la construction de villes flottantes envisagée par un magnat de la Silicon Valley qui a fait fortune avec un réseau social avant d’investir dans les intelligences artificielles. Un grand roman écologique et poétique.
« Un jeu sans fin »
Auteur : Richard Powers
Editions : Actes Sud
416 pages
Prix : 23,80 €.