Dans les poches : Gilles Clément / J.M. Coetzee / Ma Jian / Maylis de Kerangal
- Écrit par : Julie Cadilhac
Dans les poches de Serge Bressan - Lagrandeparade.com /
Je chemine avec… de Gilles Clément
Quand on lui demande qui il est, il répond : « Si je le savais, cela réglerait un certain nombre de questions que je continue à me poser ! Mais heureusement, j’ai commencé par refuser d’être celui que l’on voilait que je sois. J’ai renoncé très jeune à rentrer dans une catégorie… » Naissance à Argenton-sur-Creuse en 1943, enfance entre Creuse et Oran (Algérie), Gilles Clément présente un CV étourdissant : jardinier, paysagiste, botaniste, entomologiste, biologiste, enseignant et aussi écrivain. On le retrouve dans « Je chemine avec… », un petit recueil de questions (posées par Sophie Lhuillier) et réponses. Connu et reconnu pour des concepts florissants tels le Jardin en mouvement, le Tiers Paysage ou encore le Jardin planétaire, au fil des pages il milite encore et toujours pour l’émerveillement (« lorsqu’on observe les insectes on est dans l’étonnement ») et le faire (« fabriquer de ses mains m’a toujours paru très important »). Au fil des pages de ce « Je chemine avec… », Gilles Clément ne manque pas de développer le grand principe qui demeure la base de son activité : « Faire le plus possible avec, le moins possible contre » la nature, les énergies, la vie.
Je chemine avec…
Auteur: Gilles Clément
Editions : Seuil
Parution : 12 mars 2020
Prix : 12 €
L’abattoir de verre de J.M. Coetzee
Prix Nobel 2003 de littérature, né en Afrique du sud et vivant en Australie, J.M. Coetzee est un magicien de la chose écrite. Ainsi, dans « L’abattoir de verre » (paru en VF en 2018), il fait réapparaitre Elizabeth Costello, une romancière australienne imaginaire à qui il avait consacré un roman en 2003. En sept nouvelles qui forment un roman au joli titre, « L’abattoir de verre », Coetzee la retrouve face aux assauts de la vieillesse. Les jours, les semaines passent, et Elizabeth Costello, impuissante, ne peut que constater que ses facultés mentales la quittent irrémédiablement. Ses enfants lui suggèrent de quitter son domicile australien pour les rejoindre- elle refuse. Digne, libre et indépendante, elle veut affronter l’inéluctable. Femme somptueuse, elle pose les vraies questions sur la transmission, sur la postérité. Les questions que, à 80 ans depuis le 9 février dernier, se pose évidemment J.M. Coetzee.
L’abattoir de verre
Auteur : J.M. Coetzee
Traduit par Georges Lory
Editions : Points / Seuil
Parution : 19 mars 2020
Prix : 5,50 €
China Dream de Ma Jian
De son exil londonien, il ne mâche pas ses mots. Né en 1953 à Qingdao (dans la province du Shandong, à l’est de la Chine), Ma Jian affirme : « Le rôle de l’écrivain consiste à sonder les ténèbres et par-dessus tout à dire la vérité ». Avec « China Dream », l’écrivain dissident pointe, vise, pulvérise, atomise le régime de Beijing, ce régime en place depuis 1949 avec le PCC (Parti communiste chinois). Avant de se consacrer à l’écriture, il a été photojournaliste et peintre- en 1983, il est arrêté, ses peintures étant jugées « trop sombres ». Dès lors, il passe à l’écriture. « China Dream », c’est le rêve chinois imaginé par le président Xi Jinping, entre fiction et réalité, raconté sous la forme d’une fable furieusement cruelle. Le héros du roman s’appelle Ma Daode, il est haut fonctionnaire en fin de carrière. Son quotidien, c’est la vie dans un duplex spacieux avec sa femme, ne se refuser aucun plaisir, envoyer des SMS à ses maîtresses nombreuses. Mais cet homme n’est qu’en apparence heureux. Quand il se souvient de sa jeunesse révolutionnaire, c’est une autre histoire. Il était membre des Gardes rouges pendant la Révolution Culturelle qui a commencée en 1966 mais en a été viré à cause d’un père « droitier » et d’une mère qui bossait pour une famille d’étrangers. Ses parents ont mis fin à leur jour après avoir été dénoncé par leur fils… A l’aube de sa vie, Ma Daode est dévoré par la culpabilité alors que son job de haut fonctionnaire est de combattre l’individualisme et le rêve… Un roman douloureux pour dénoncer la tyrannie.
China Dream
Auteur : Ma Jian
Traduit par Laurent Barucq
Editions : J’ai Lu
Parution : 8 janvier 2020
Prix : 7,40 €
Un monde à portée de main de Maylis de Kerangal
Un jeune homme- Jonas, à la casquette. Deux jeunes filles- Kate l’Ecossaise aux cheveux platine et Paula (nom de famille : Karst) aux yeux vairons. On fume, on boit, on se raconte ses souvenirs de prime jeunesse. Souvenirs du temps de l’Institut de peinture de Bruxelles, rue du Métal… là où on a appris l’art du trompe-l’œil, cet art qui peut faire passer un panneau de bois pour une plaque de marbre. Après les très réussis « Naissance d’un pont » ou « Réparer les vivants », Maylis de Kerangal explore un autre univers, c’est « Un monde à portée de main »- un des grands romans de la rentrée estivale 2018 : « Paula s’avance lentement vers les plaques de marbre, pose sa paume à plat sur la paroi, mais au lieu du froid glacial de la pierre, c’est le grain de la peinture qu’elle éprouve. Elle s’approche tout près, regarde : c’est bien une image ». Comme elle s’était intéressée aux secrets des ponts et chaussées puis à ceux de la transplantation cardiaque, Maylis de Kerangal plonge là dans les abymes de l’illusion, du trompe-l’œil avec une précision et une technicité quasi chirurgicale. Mais qu’on se rassure, « Un monde à portée de main » n’est pas seulement, uniquement un roman sur cet art du trompe-l’œil. La romancière suit le destin de cette Paula Karst, belle jeune femme aux yeux vairon. D’où vient-elle ? Comment et quand est apparue sa vocation ? Comment et pourquoi se retrouve-t-elle dans les grottes de Lascaux- du moins, dans leur réplique où le factice et le trompe-l’œil font loi artistique ? Et puis, dans ce roman ou se mêlent lyrisme et documentaire, on appréciera sa première phrase, délicieux tourbillon de dix-huit lignes…
Un monde à portée de main
Auteure : Maylis de Kerangal
Editions : Folio / Gallimard
Parution : 5 mars 2020
Prix : 8 €
Une librairie indépendante en ligne ? https://www.lalibrairie.com/