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« Marilyn, ombre et lumière » de Norman Rosten : sept ans d’amitié…

  • Écrit par : Serge Bressan

seghersPar Serge Bressan - Lagrandeparade.com / Malicieuse, la légende propose un voyage dans le passé. New York, un jour de 1955. Le photographe Sam Shaw se promène, la pluie commence à tomber. Il appelle son ami Norman Rosten, poète et écrivain de son état, et lui demande s’il peut venir se mettre à l’abri chez lui.

On pourra discuter, prendre un café aussi, suggère-t-il. Il ajoute ne pas être seul, il est avec une jeune fille. Pour Rosten, pas de problème, pas de doute : il doit s’agir d’un des modèles. Quand Shaw et la jeune fille arrivent chez l’ami, la jeune fille dégouline de pluie, Rosten remarque immédiatement qu’elle porte un manteau en poils de chameau. Ses cheveux, plaqués par l’eau de pluie, sont coupés court ; elle ne porte pas le moindre maquillage. Impossible de la reconnaître, d’autant que lorsque le photographe la présente à Rosten et à sa femme Hedda, ces derniers comprennent : « Marion »… Laquelle s’assied, feuillette le livre posé sur la table basse, c’est « Songs for Patricia »- un recueil de textes de Norman Rosten. Hedda se tourne vers la jeune fille, lui pose deux, trois questions…

Voilà, c’est tout, c’est le début d’une amitié entre Norman Rosten et la jeune fille que, née Norma Jean Baker, on connait sous le pseudonyme de Marilyn Monroe. Paru initialement en 1973, « Marilyn, ombre et lumière » de Norman Rosten reparaît en VF en ce cœur de printemps. Norman Mailer, qui fut un des maris de Marilyn Monroe, a dit et écrit : « Le livre de Rosten offre le portrait le plus tendre qui existe sur Marilyn. Un récit aussi beau qu’intime ». Le récit d’une amitié entre la belle et le poète. On lit : « Elle aimait le côté sombre et mystérieux qu’il y a dans un bon poème. Et quelque part au fond d’elle-même, elle ressentait une vérité primordiale : que la poésie est liée à la mort ». En cette journée pluvieuse, le couple Rosten va vite comprendre sa bévue, que la jeune fille qui, là à côté de lui, feuillette « Songs for Patricia » est tout simplement la vedette, la tête d’affiche de « Sept ans de réflexion », le film de Billy Wilder (avec, également, Tom Ewell et Evelyn Keyes) sorti sur les écrans le 3 juin 1955 et qui cartonne au box-office US. Pour l’éditeur français de « Marilyn, ombre et lumière », pas le moindre doute : d’emblée, Norman et Hedda Rosten sont séduits par le charme de la jeune femme alors âgée de 29 ans, et « toute leur relation sera ainsi placée sous le signe du naturel et de la sincérité ». Autre précision : les années suivantes, « Rosten a d’autant plus fréquenté Marilyn qu’il était très ami avec son troisième mari, Arthur Miller [NDLR : écrivain et dramaturge américain, 1915-2005] ».
Dès lors, jusqu’au 4 août 1962, jour de la mort de l’actrice, les Rosten ont entretenu une proximité amicale avec Marilyn Monroe. Dîners, week-ends, vacances entre Manhattan, Brooklyn et Boston, dans le Connecticut ou encore sur les plages de Long Island, là même où le poète a sauvé l’icône blonde de la noyade un jour où des fans se montraient trop présents, trop pressants. Confidence de Norman Rosten : « Ce fut la seule fois où j’eus la chance de lui sauver la vie ». Au fil des pages, Rosten y va de confidences en confidences- mais jamais il ne franchira le seuil de la porte de la chambre de l’actrice, toujours il racontera une Marilyn aussi brillante que désespérée… Ainsi, avec sa femme Hedda, le poète voit la divine blonde plonger dans ce qui ressemble à une dépression, à une jeune femme complètement débordée par le tourbillon incessant de la gloire et du succès.
Avec « Marilyn, ombre et lumière », Norman Rosten dessine au plus près d’une star, avec un grand nombre d’anecdotes, une pointe d’humour et une bonne dose d’émotion. Et ne manque pas de rappeler encore et encore combien Marilyn Monroe était habitée par la poésie. Ou encore le titre de son dernier film, un court-métrage réalisé en 1962 par George Cukor : « Something’s Got To Give » (en VF : « Quelque chose finira bien par craquer »)- un titre furieusement prémonitoire.… Et c’est ainsi qu’avec « Blonde », le livre de Joyce Carol Oates paru en 1999, « Marilyn, ombre et lumière » demeure le meilleur texte consacré à Marilyn Monroe…

Marilyn, ombre et lumière
Auteur : Norman Rosten
Traduction : François Guérif
Editions : Seghers
Parution : 7 avril 2022
Prix : 16 €

Extrait

« Elle pouvait paraître dure, et pouvait l’être. Elle savait le prix- et elle l’a payé- de vivre dans un univers professionnel et une industrie dominés par des hommes. Elle luttait pour être elle-même. Dans le monde du cinéma, les femmes étaient des biens mobiliers, de la marchandise sexuelle, des appâts pour attirer les gogos du public. Plus d’une fois, Marilyn montra son indépendance. Quand elle posa nue pour le fameux calendrier- ce qui était très osé au début des années cinquante-, elle se défendit en arguant : 1. Qu’elle devait payer son loyer et que c’était un travail honnête. 2. Que le corps humain n’a rien de honteux (un sentiment qui allait devenir le cri de guerre du Mouvement de libération des femmes, dix ans plus tard ».


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