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« Leçons d’un siècle de vie » : Edgar Morin, 100 ans, le « braconnier du savoir »

  • Écrit par : Serge Bressan

edgar morin Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Le Palais de l’Elysée ce 8 juillet 2021 en présence d’Emmanuel Macron, président de la République française, puis demain, deux autres cérémonies : l’une dans les locaux de sa Fondation, l’autre dans les salons de l’Hôtel de Ville de Paris, et le 13 juillet, il sera honoré au Palais des Papes en Avignon. Des cérémonies qui suivent celle organisée à l’Unesco, le 2 juillet dernier… Et tout ça, pour un homme, pour un philosophe et sociologue- Edgar Morin, né Edgar Nahoum le 8 juillet 1921 à Paris de parents juifs de Salonique. Oui, Edgar Morin fête ce jour son 100ème anniversaire- avec humour, sur Twitter récemment, il avait glissé : « Evitez d’être centenaire. Passez directement à 101 ans Â», et récemment, pour que cet anniversaire soit une belle fête, il rappelait : « J’étais tellement surpris de ne pas être mort à 90 ans que j’ai fini par m’habituer à vivre Â» et a publié un nouveau livre au titre joli et simple : « Leçons d’un siècle de vie Â».

 

Dans ce livre nouveau, fête de l’esprit et de la vie, celui qui est tenu pour un des intellectuels français les plus importants, un des penseurs majeurs de notre époque, précise : « Qu’il soit entendu que je ne donne de leçons à personne. J’essaie de tirer les leçons d’une espérance séculaire et séculière de vie, et je souhaite qu’elles soient utiles à chacun, non seulement pour s’interroger sur sa propre vie, mais aussi pour trouver sa propre Voie Â». En tout juste 160 pages, défile un siècle, une vie. Un siècle de vie. Un préambule, sept chapitres, un credo et des mémentos. Un livre de grâce et d’esprit tout tourné vers les tourments de notre temps. Parce qu’il a été et est, durant son siècle de vie, tout autant témoin qu’acteur, Edgar Morin continue de réfléchir, de s’interroger. Au fil des pages de « Leçons d’un siècle de vie Â», lui qui se définit comme « un vagabond, un braconnier du savoir Â» évoque « l’identité une et multiple Â», « l’imprévu et l’incertain Â», « savoir vivre Â», « la complexité humaine Â», ses « expériences politiques : les nouveaux périls Â» ou encore « l’erreur de sous-estimer l’erreur Â».
Pour celui dont le plus grand regret est « d’avoir perdu ma mère à 10 et de n’avoir pas compris mon père Â», son siècle de vie est bien plus qu’un roman. C’est une aventure, une épopée. Orphelin de mère à 10 ans, « j’étais fils unique devenu orphelin. J’ai eu une adolescence solitaire mais cette solitude était une solitude de culture, je lisais intensément, je bouffais du film sans arrêt. J’allais au musée du Louvre, j’allais aux concerts symphoniques, c’est une époque décisive où je m’ouvre à la vie, à la culture, à la politique aussi. C’est une époque de tragédies, celle du stalinisme et du nazisme, la guerre qui se faisait... Â» Résistant pendant la Deuxième Guerre mondiale, communiste dans les années 1940-50, il publie son premier livre en 1951 : « Autocritique Â». On le classe vite dans la classe « sociologue Â», on y ajoute « philosophe Â», le monde (jusqu’en Amérique latine) des lettres et des idées l’honore- à ce jour, il a été fait docteur « honoris causa Â» par quarante universités !, il confie : « Je crois que j'ai eu une influence... mais en poussière comme ça. Mes idées fondamentales sur l'éducation ne sont pas entrées dans la reproduction culturelle Â».
Sa méthode de réflexion, de travail ? Il la résume, dans « La Méthode Â» (six volumes publiés entre 1977 et 2004), d’un mot : décloisonnement. Et de préciser : « Je pars aussi de mon expérience de vie, et j’accorde grande importance à la littérature. Car c’est à travers la littérature, la poésie et le roman qu’ont surgi, de la façon la plus concrète, la plus émouvante qui soit, les problèmes éthiques qui nous préoccupent Â». Penseur de l’ère planétaire, concepteur de la « pensée complexe Â» et humaniste, Edgar Morin n’a de cesse de dire et répéter qu’« Ã  force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel Â». Dans « Leçons d’un siècle de vie Â», il se revendique « droitier, résolu à ne pas sacrifier l’idée de liberté Â» et Â« gauchiste Â» parce qu’il croit à la « possibilité d’une métamorphose Â». Dans un hebdo parisien, à la question « Ãªtes-vous optimiste ? Â», il répond : « Je ne suis pas optimiste, je suis opti-pessimiste. Le probable nous menace, mais l’improbable peut nous sauver Â». Et, lors de son intervention récente à l’Unesco, Morin-le-jeune de lancer à la jeunesse d’aujourd’hui : « Vivez pleinement l’aventure de la vie ! Â»

Leçons d’un siècle de vie
Auteur : Edgar Morin
Editions : Denoël
Parution : 20 juin 2021
Prix : 17 €

Extrait

« Je n’ai cessé jusqu’à maintenant d’être étudiant, c’est-à-dire de continuer à apprendre, et de me remettre sur le chantier de la repensée. Evidemment stimulée par les bouleversements historiques, la repensée est devenue permanente chez moi (…). Je dispose de la Méthode pour relier et intégrer les connaissances, et bien sûr examiner les conditions historiques de plus en plus graves que nous subissons.
Mais au cours de cette aventure de connaissance inséparable de mon aventure de vie, j’ai sans cesse été tourmenté par le problème de l’erreur et de l’illusion Â».


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