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«Michel Guérard. Mémoire de la cuisine française » : une histoire savoureuse…

  • Écrit par : Serge Bressan

cuisinePar Serge Bressan -Lagrandeparade.fr / Dans un bel avant-propos, l’écrivain, scénariste de bande dessinée, essayiste et biographe Benoît Peeters annonce d’emblée : « Michel Guérard est l’une des figures les plus singulières et les plus attachantes de la grande cuisine française ». Et d’évoquer « un homme enthousiaste et généreux, gourmand impénitent et incurable optimiste ». En cette fin 2020, Michel Guérard porte fièrement ses 87 ans et continue d’être en cuisine, superbe chef d’orchestre, aux Prés à Eugénie-les-Bains (Landes)- un établissement triplement étoilé sans discontinuer depuis 1977… Rien que cela justifiait donc bien un livre d’entretiens menés par Benoît Peeters et délicieusement titré « Michel Guérard. Mémoire de la cuisine française ».

Le questionneur précise : « Nous avons eu de longues conversations, très libres, à Eugénie-les-Bains et à Paris… Nous avons suivi un fil essentiellement chronologique, sans nous interdire les digressions et les excursions thématiques ». Ainsi, au fil des pages (avec de nombreuses photos et illustrations), on croisera les chefs Fernand Point (1887- 1955, premier chef 3 étoiles au Michelin en 1933) et Raymond Oliver (1909- 1990), et aussi « Régine et le maréchal Tito, Claude Lebey et Alain Ducasse, Marlene Dietrich et Jean-Paul Guerlain ». Donc, débuts avec l’enfance et la formation. L’enfance à Vetheuil, un village dans le Vexin où la grand-mère maternelle tenait une épicerie alors que les grands-parents paternels avaient, eux dans un village voisin, une boucherie. La guerre arrive, la Seconde- Michel Guérard a 6 ans quand son père est mobilisé mais juste avant, il emmène la grand-mère, la mère et les deux enfants (Michel et son frère cadet Georges à Pavilly, en Normandie. C’est là que le jeune Michel va acquérir « le goût des bonnes choses ». Souvenir : « Ce que préparait notre grand-mère était toujours très bon… Elle faisait des tartes que je n’ai jamais retrouvées ailleurs… C’était un bout de pâte, avec des fruits ultra-mûrs. Quelques lichettes de beurre, un peu de sucre et au four. Le résultat était formidable ».
L’école et les études ne sont pas le fort de Guérard, « je n’ai pas été élevé dans les livres. Il y en avait d’ailleurs peu à la maison ». Une autre confidence : « J’avais besoin de rêver à ce que pouvait me réserver l’âge adulte ». Le monde de la cuisine, il le découvre à Mantes-la-Jolie dans la pâtisserie de Kléber Alix. Trois années d’apprentissage où il acquiert « les bases d’un métier qui me captivait ». A 25 ans, première distinction : il est Meilleur Ouvrier de France et rejoint le Lido, à Paris. A 32 ans, il s’installe à Asnières-sur-Seine où il a acheté un ancien bistrot nord-africain, il le renomme le Pot-au-Feu et en fait « le meilleur restaurant de banlieue du monde » et invente sa « salade folle » (pour laquelle il réussit la cohérence entre le foie gras et la vinaigrette). Une première étoile en 1967, une deuxième en 1971 pour celui qu’on présente alors comme un des fondateurs de la « nouvelle cuisine ». Mais la grande histoire de Michel Guérard, celle qui en fera un des chefs à la réputation mondiale, c’est Eugénie-les-Bains, dans les Landes, où il s’installe avec sa femme Christine. Début de l’histoire en 1974 avec le restaurant Les Prés d’Eugénie. En 1976, il publie « La Grande Cuisine minceur », un best-seller mondial qui lui vaudra la couverture de l’hebdo américaine « Time ». L’année suivante, il obtient les 3 étoiles pour un établissement où, pour parfaire son art, passera, entre autres, le futur chef Alain Ducasse et où, pour savourer la cuisine du chef Guérard, viendront des présidents et des chefs d’Etat.
Inventeur de la « nouvelle cuisine » avec ses collègues Paul Bocuse, Alain Senderens ou encore les frères Troisgros, Guérard évoque aussi dans ce livre d’entretiens avec Benoît Peeters ce qui, à l’époque, passe pour révolutionnaire : son association avec l’industrie agro-alimentaire avec des plats surgelés (dont le fameux Pithiviers feuilleté mousse de cresson et beurre blanc) pour la marque Findus. Il acquerra également les chais et vignes du Château de Bachen, créera la première Ferme Thermale et, en 2013, inaugurera son école de cuisine de santé, l'Institut Michel Guérard, premier centre national d'enseignement en cuisine de santé, à Eugénie-les-Bains… Avec ce livre d’histoire savoureuse, avec ces entretiens au long cours complétés par des archives inédites (photos, recettes, menus,…), Michel Guérard déroule un bel hymne à « cette école de l’excellence et de la méritocratie, de l’humilité et de l’humanisme, celle qui conduit à l’épanouissement de soi »…

Michel Guérard. Mémoire de la cuisine française
Auteur : Michel Guérard. Entretiens avec Benoît Peeters
Editions : Albin Michel
Parution : 22 octobre 2020
Prix : 22 €

Extrait

« Avec la cuisine minceur, vous ne cherchiez nullement à proposer un nouveau régime miraculeux…
-Surtout pas ! Il y avait déjà à l’époque- et il y en a au moins autant aujourd'hui- toutes sortes de régimes aussi radicaux qu’inefficaces. Souvent, ce sont des variantes plus ou moins astucieuses de la diète : une tasse de thé et deux biscottes par jour. On sait que ce sont des « régimes yoyos » : on reprend presque aussitôt les kilos que l’on a péniblement perdus. Mais ces rites de purification gardent leurs adeptes. Il y a aussi les effets de mode, parfois très dangereux, comme ces régimes hyperprotidiques qui ont tué pas mal de gens… Mon idée était tout autre : je voulais rendre l’alimentation plus saine mais tout aussi savoureuse… »

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