Les reins et les cœurs : la bataille de Nathalie Rheims
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Une histoire qui commence le mercredi 23 août 2017. Ce jour-là, sort en librairie « Une vie sans moi ». Ce jour-là, son auteure entre « en urgence à l’hôpital ». C’est le début de la bataille du rein pour Nathalie Rheims- et en quarante-cinq chapitres brefs pour son vingtième livre, elle raconte. Résultat : « Les reins et les cœurs », un livre d’une bataille, un texte fort, puissant, bouleversant. Elle écrit : « Il faut toujours être attentif, ne jamais baisser la garde, car, à tout moment, l’apocalypse peut vous tomber dessus ». Elle qui, dans ses livres, se raconte, précise : « J’avais senti venir la catastrophe dans ma propre écriture, présente jusque dans le titre de ce livre ultime : « Ma vie sans moi ». Le récit en était prémonitoire. J’avais imaginé qu’au cours d’une anesthésie générale, le fil de ma vie se délitait, me réduisant en poussière ».
Depuis vingt ans, Nathalie Rheims promène sa crinière blonde joliment crêpée- ce qui lui donne un de ces masques grecs antiques qu’utilisait le théâtre pour exprimer les émotions. Défilent avec elle la lettre d’une amoureuse morte, les fleurs du silence, l’ange de la dernière heure, le fantôme du fauteuil ou encore la maladie d’amour. Et puis « Les reins et les cœurs »- le filtre et la pompe qui emplissent le nouveau roman de cette auteure réputée, célébrée pour sa poétique. Le nouveau roman d’une femme, approchant la soixantaine, qui souffre d’un mal peu banal qui, de génération en génération, touche les femmes de sa famille. Sournoise et insolente, cette maladie détruit les reins. Au hasard des pages, on apprend aussi qu’après des années de dialyse, l’issue de ladite maladie a été identique pour ces femmes qui, dans sa famille, l’ont précédée : la mort. En quelque sorte, le mal en héritage…
Un jour, le corps et la conscience flirtent avec la limite de l’endurable. Dès lors, Nathalie Rheims doit choisir. Faire un choix qu’elle pensait ne jamais devoir faire. Le faire, puis l’assumer partagée entre la beauté du don et le sentiment de culpabilité. Le don se prénomme Flavien, il a douze ans de moins qu’elle, il est danseur, c’est lui qui a donné un de ses reins à Nathalie- elle raconte, c’est poignant, émouvant. Elle a été sauvée… Elle écrit, on n’accorde que dédain à ceux qui prétendent, doctement, qu’elle scénarise sa vie- certain.e.s auteur.e.s le font, oui, mais pas Nathalie Rheims ! Récemment, lors d’une interview à la radio, elle était interrogée sur « Les reins et les cœurs », elle a expliqué qu’il lui est impossible « de parler de roman. Là, on plonge dans une réalité, celle d'une insuffisance rénale aigüe, qui est lié à un gène qui a décimé toutes les femmes de ma famille… J'ai décidé de raconter cette histoire et de la faire partager à tous ceux qui combattent, dans tous les sens du terme… Je vis avec l'organe d'un autre, qui fait au fond partie intégrante de moi. C'est toute la subtilité et la complexité de la greffe, on accepte d'abord psychologiquement l'organe d'un autre et on sait qu'on sera ensevelie avec. Et en même temps c'est un combat singulier pour le garder une fois qu'il est greffé… » Un livre qui ne tente jamais le racolage, un livre simplement empli de pudeur et de sensibilité.
Les reins et les cœurs
Auteur : Nathalie Rheims
Editions : Léo Scheer
Parution : 21 aout 2019
Prix : 18 €
Extrait
« Une immense tristesse m'envahit. La perspective d'être séparée de ces femmes et de ces hommes qui m'ont sauvée n'est pas envisageable.
En six semaines, chacun est devenu un membre de ce qui forme désormais une nouvelle famille. Ils savent tout de moi, et je les ai découverts, un à un, avec passion. Je leur dois la vie, et je partage la leur avec tout ce qui me reste de tendresse et d'affection.
Comment leur rendre une part, même infime, de ce qu'ils m'ont donné ? »