La vie vagabonde : Lawrence Ferlinghetti, 100 ans et dernier beatnik…
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Ce fut jour de fête à San Francisco, le 24 mars dernier. On y célébrait l’anniversaire d’un homme, poète voyageur, libraire et peintre, militant de gauche et éditeur. Ce jour-là, dans la mythique librairie City Lights qu’il a fondée, Lawrence Ferlinghetti a fêté ses 100 ans. Il n’a pas souhaité faire le moindre commentaire, a refusé d’évoquer le siècle passé- expliquant qu’il a toujours regardé devant. Ce qu’il a bien l’intention de faire, encore et encore… Et au même moment, nous arrivait en VF un livre bien épais (600 pages)- titre tout simple, « La vie vagabonde », dans lequel Ferlinghetti se raconte. Dans le flot de propos élogieux pour ce livre, on notera ceux de Bob Dylan (« Un homme et un poète valeureux »), de Patti Smith (« Inspirés et sensuels, ses carnets intimes se lisent comme une lettre ouverte au lecteur. On y entend sa voix distinctive, celle d’un baladin de l’Amérique ») ou encore de Francis Ford Coppola (« Quel bonheur que de pouvoir se promener entre les lignes de son journal, parmi ses merveilleux petits croquis, ses émotions et ses poèmes »).
Lawrence Ferlinghetti est une légende. Communément, on le qualifie comme « le dernier des beatniks »- ce qu’il n’apprécie que modérément. Au fil des pages de « La vie vagabonde » (sous-titre : « Carnets de route 1960- 2010 ») et de ses six parties, on est « sur la route avec une légende de la Beat Generation »- comme l’assure le bandeau qui ceint le livre. Dans les années 1950 avec jamais bien loin Allen Ginsberg, Gregory Corso et Jack Kerouac, il sera le père fondateur d’une vague de fond qui, la décade suivante, portera les beatniks puis les yippies. Et dans ce livre-somme sont rassemblés ses journaux manuscrits qu’il a déposés à l’Université de Californie à Berkeley. Ça fuse à toutes les pages, à tous les étages. En cinquante ans, ce sont des voyages, de l’Australie au Salvador, de Haïti à Marrakech avec des escales en France et en Italie, des concerts rock à la prison… Il est né à Yonkers, New York, il a grandi en France- élevé par sa tante. Il retourne aux Etats-Unis, il fait la Deuxième Guerre mondiale dans la marine, il y a le Débarquement en Normandie, Nagasaki après la bombe. De cette époque, naît son pacifisme. Après un nouveau séjour à Paris où il rédigera une thèse à la Sorbonne, il rentre au pays et s’installe à San Francisco. Cette ville qu’il surnomme « la dernière frontière »… Il écrit des poèmes- il ne les imagine pas imprimés dans des recueils, il les souhaite lus en public. La démocratisation de la culture, voilà la signature de Ferlinghetti. La subversion, aussi…
Cette subversion qui, en 1953 à San Francisco, l’a poussé à fonder la City Lights, une librairie et maison d’édition indépendante. Dans un premier temps, il publie des « sous-genres » en format poche puis, en 1956, « Howl », le poème d’Allen Ginsberg- ce qui, au motif de « propos obscènes », amène Ferlinghetti devant le juge… La légende Ferlinghetti est née. On file sur la route, on y croise Kerouac, Corso et aussi William Burroughs. Ferlinghetti n’est jamais loin, magnifique vagabond de la vie, à jamais éblouissant porteur des « good vibrations »…
La vie vagabonde. Carnets de route 1960- 2010
Auteur : Lawrence Ferlinghetti
Editions : Seuil
Parution : 4 avril 2019
Prix : 25 €