Bilan de faillite : Régis Debray, lettre au fils…
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / En passeur, Régis Debray écrit une belle lettre à son fils en quête d’orientation. C’est « Bilan de faillite », c’est la bonne occasion de se pencher sur une vie faite de quelques satisfactions et de nombreuses défaites… On retrouve un aveu, une confidence au fil d’un entretien à un journal parisien : « Ce livre n'est pas un essai d'idéologue, mais une simple lettre d'un père à son fils, et qui lui recommande de s'éloigner de l'idéologie comme de la politique. Ce que j'ai fait moi-même mais un peu trop tard. Vous répondre me fait revenir à un passé que j'aimerais quitter ». Et puis les premières lignes du nouveau livre : « Tu as seize ans, moi soixante-seize. Un abîme. Avoir duré plus que de raison ne donne pas à un père l’autorité requise pour se faire écouter d’un fils. Tu me demandes quoi faire de ta vie, je me demande ce que j’ai fait de la mienne. Tu voudrais sortir de l’enfance, je rêve d’y retourner. Comment t’orienter dans les jungles de demain ? » Septuagénaire magnifique, bourgeois et gentilhomme, Régis Debray signe donc « Bilan de faillite ». Et de raconter que, lors de l’élection présidentielle en France au printemps 2017, son fils avait alors 15 ans, « il était passionné, haletant ! Je lui disais : « Calme-toi, ne rentre pas dans ce que j’ai pu vivre moi-même à ton âge ». C’est une forme de mise en garde, qui m’a permis ce récapitulatif ». Le titre interpelle : « Bilan de faillite ». Sous-entend-il des regrets ? de la nostalgie ? l’aveu d’erreurs de jugements ?... Jeune homme, Régis Debray a vécu intensément. Passionnément. Sous le signe de l’engagement. Il a cru en la Révolution- mieux (ou pis ?), il y a participé. S’est retrouvé emprisonné, dans les années 1960, en Bolivie…
Libéré, de retour en France, on le retrouvera quelques années plus tard fréquentant les ors de la République. Conseiller parmi les conseillers et proche de François Mitterrand- une proximité qu’il explique par leur goût commun de la littérature. Le temps a passé. Est venu aussi et alors le temps des regrets. Le temps du bilan- qui n’est absolument en rien un testament, comme certains « professionnels de la profession » de la lecture l’ont dit et écrit. Et Régis Debray, devenu médialogue, s’est éloigné de la chose politique pour mieux observer, appréhender la vie qui va, la société, le monde. Sans aller jusqu’au dépôt de bilan, il n’en évoque, au fil des pages, pas moins que des faillites. Et écrit à son fils Antoine, donc 16 ans : « Je te passe les déboires, côté états de service personnels : avoir raté au Chili l’enlèvement de Barbie, vainement attendu le Québec libre et Chevènement président, que le siège des Nations unies quitte New York pour Jérusalem, Cité universelle, comme je l’avais préconisé, et que le programme du Conseil national de la Résistance sorte un jour de l’oubli ».
Homme de sagesse, passeur lucide et éclairé, Régis Debray a même déconseillé à son fils de se tenir éloigné de la politique, devenue à ses yeux aujourd’hui « l’art de combiner des tromperies efficaces ». Et puis, il y a cette belle invite de Régis à Antoine, d’un père à son fils : « Sois juste quelqu’un, et non pas deux, trois ou quatre »…
Bilan de faillite
Auteur : Régis Debray
Editions : Gallimard
Parution : 3 mai 2018
Prix : 15 €