Par Philippe Delhumeau - Lagrandeparade.fr/ Racine La Fontaine, L'adieu à la scène : un texte de Jacques Forgeas qui aiguise le secret en confidence et le vÅ“u en désavoeu. Quel n'est pas plus bel écrin d'histoire et d'architecture du XVIIIème siècle, côté Seine, pour recevoir la nouvelle proposition d'écriture de l'auteur éponyme que le Théâtre Le Ranelagh?

Jacques Forgeas couche sur le papier Racine et La Fontaine entourés de deux charmantes jeunes femmes dans le huis-clos d'une loge de l'Hôtel de Bourgogne. Une rencontre provoquée par La Fontaine qui invite Clarisse, future comédienne, et Sylvia, sa fidèle amie, à séduire l'auteur au faîte de sa gloire. Racine feint d'ignorer les intentions du duo féminin jusqu'à l'arrivée de La Fontaine qui encourage son ami à continuer le théâtre. Cédant à une proposition du Roy, le tragédien décide de poser définitivement la plume vouée à l'écriture de pièces de théâtre. Arguments et contre-arguments construisent une narration habile et subtile à souhait, laquelle se lie d'intimité et d'amitié, de vérités et de faux mensonges, d'espoirs et de déceptions.

Racine, orphelin de mère à la naissance et de père à l'âge quatre ans, fut élevé par les Solitaires de Port-Royal qui lui enseignèrent les fondements du jansénisme et contribuèrent à lui apporter une instruction rigoureuse de la littérature. De cette éducation, les influences pour les tragédies hellènes et romaines se remarquérent avec Alexandre le Grand, son premier succès, et s'ensuivirent des Å“uvres passées à la postérité tels Andromaque, Britannicus et Phèdre, pour ne citer que les plus connues. Louis XIV, sensible à la tragédie racinienne, convoque le dramaturge et lui demande de devenir son historiographe. Refuser une proposition du Roy, la chose était inconcevable. Racine accepta sur le champ et ainsi, décida-t-il, sans encombre et contre l'avis de ses pairs, de mettre un terme à son exercice d'auteur de tragédies à succès. La Fontaine, Clovis Fouin, encense Racine, Baptiste Caillaud, à lui faire changer raison et ce, avec l'aide complice de Clarisse, Katia Miran, et de Sylvia, Perrine Dauger. Racine entend les arguments, soupire, se retire, revient contraint, et convainc le trio que sa décision est irrémédiable.

Sophie Gubri réalise une mise en scène qui pose un point d'interrogation décliné au pluriel sur l'espace qu'occupe le théâtre dans l'existence d'un auteur. La gloire et les échecs, l'amour et les conquêtes, la reconnaissance et la solitude, l'engagement et la lassitude sont autant de questions de vie que de points de suspension sans réponses saillantes. Le travail scénique, in situ, s'avère s'adapter avec finesse et rigueur à l'écriture de Jacques Forgeas.

Baptiste Caillaud prend corps et partie de Racine avec une sévérité dans le jeu qui incite au respect. Imperturbable de bout en bout, le comédien tient son rôle avec passion et le restitue admirablement. Clovis Fouin joue La Fontaine tel s'il était son fils spirituel. Le comédien anime son personnage d'un brin de folie qui le rend attachant et quelque peu détaché de son ami, Racine. Katia Miran investie en Clarisse, future comédienne, exprime une passion charnelle pour le théâtre. Elle se joue de la situation pour maquiller sa détresse en amour de la scène et Racine devient subitement son bourreau. L'interprétation de Katia Miran est un argument à continuer le théâtre car elle a déjà tout d'une grande comédienne. Perrine Dauger incarne Sylvia, l'amie fidèle de Clarisse, en lui apportant un soutien physique et moral de tous les instants. Sylvia est de bon conseil, Racine n'en demeure pas sourd et Clarisse en ferme les yeux d'une confiance absolue. Une belle présence de Perrine Dauger.

Racine La Fontaine, l'adieu à la scène, est un très beau texte, servi par une distribution jeune et talentueuse sur la scène du Théâtre Le Ranelagh. Les effets techniques, scénographie, lumière, costume, musique contribuent à ce grand moment de théâtre à découvrir car la mise en scène est belle, intense et éclectique.

Racine La Fontaine, l'adieu à la scène

Auteur : Jacques Forgeas

Mise en scène : Sophie Gubri

Avec : Baptiste Caillaud, Clovis Fouin, Katia Miran et Perrine Dauger

Musique originale : Nicolas Jorelle

Scénographie : Camille Dugas

Lumière : Marie-Hélène Pinon

Costumes : Laurence Forgue Lockhart

Dates:  

Du 15 septembre au 9 décembre 2016, au Théâtre Le Ranelagh - 5 rue des vignes - 75016 Paris

Du mercredi au samedi à 19h et le dimanche à 15h ( Relâches : 2 et 3 décembre )