Aimons-nous les uns les autres, et plus encore : Anne Roumanoff assume tout
- Écrit par : Guillaume Chérel
Par Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ Autant dire les choses, Anne Roumanoff n’a pas « la carte », comme on dit. Elle ne bénéficie pas d’une bonne réputation auprès des « intellos », en gros, que d’aucuns résumeraient bêtement au terme « bobo ». C’est pourtant une ex-grosse tête (façon de parler) qui a fait Science-Po, dans la promotion de Beigbeder… et de Jean-François Copé. Vous me direz que ça n’arrange rien ! Tout ça pour dire qu’elle est une des rares humoristes à oser s’attaquer, de manière plutôt fine, à l’extrémisme de droite (suivez mon regard…) en campant une blonde qui vient d’adhérer (au Parti que vous savez…) sans trop savoir pourquoi, et devient conseillère municipale avant de finalement se marier avec un Tunisien qu’elle fait passer pour un espagnol auprès de sa famille.
Ce n’est qu’un des sketchs de son spectacle « Aimons-nous les uns les autres… Et plus encore », qu’elle a le bon goût de remanier, de réactualiser et de jouer tout l’été à l’Alhambra, l'une des plus belles salles de spectacle de Paris. Anne Roumanoff nous entraîne même dans une église pour chanter « Ave, ave, ave pôle emploi, on continue à croire en toi ». Il y a aussi celle qui fantasme sur le Net, les parents d'élèves névrosés, la touriste américaine (dont l’accent est à retravailler) qui ne parvient pas à attirer l'attention du serveur parisien, la gourou, la télé-réalité, l’invocation au Dieu Argent… Et franchement c’est drôle, bien rythmé et parfois surprenant. « Aimons-nous les uns les autres », c'est un cri du coeur qu’elle a eu bien avant le massacre de Charlie Hebdo.
On rit beaucoup mais on réfléchit aussi. Il est question de mariage gay, d'une femme confrontée à l’enfer administratif, et de la femme de cinquante ans, et de ses enfants ados. Tout le monde en prend pour son grade. Même les plus réfractaires à ses jeux de mots, parfois un peu tirés par les cheveux, finissent par se laisser convaincre : derrière l'apparente bonhomie de ses personnages, Anne Roumanoff va plus loin que beaucoup d'humoristes de la nouvelle génération (génération Jamel Comédie Club), qu'elle tacle gentiment au passage. Le goûter d'anniversaire lui offre l’occasion de livrer quelques réflexions sur l'éducation (et le laisser aller). Idem lors d'une réunion ministérielle, d'où ressort pleinement toute l'hypocrisie d'une énarque aux dents longues. Le spectacle, qui panache sketchs « déjà -vus-à -la-télé » et inédits offre également des moments d'émotion à l'évocation des attentats ou de la récente disparition de son père.
En cette période de tensions en France, ça fait du bien. L'amour (pas gnan-gnan) est le fil conducteur du spectacle : de la difficulté à aimer dans le couple, l'entreprise, la famille, la nation... Le message, c'est que l'amour c'est difficile, mais qu'il faut aimer quand même. Dans le contexte actuel, il y a tellement de tentations de tomber dans la haine, et bien justement essayons de nous aimer ! C’est son credo. En ce moment on a besoin d'être ensemble, de communiquer, voire de communier. Amen…
Anne Roumanoff dans « Aimons-nous les uns les autres, et plus encore… ».
A l’Alhambra jusqu’au fin septembre : 21, rue Toudic – 75010
Résa : 01 40 20 40 25 / www.alhambra-paris.com