Camille contre Claudel : une vie d’amour-passion qui bascule dans une détresse mêlée d’impuissance
- Écrit par : Philippe Delhumeau
Par Philippe Delhumeau - Lagrandeparade.fr/ Hélène Zidi donne vie à une femme exceptionnelle dans ce spectacle où se côtoient à époque distanciée Camille Claudel jeune, à l’âge mûr et âgée. La scène s’éclaire sur un atelier de sculpture où sont posés ci et là des modèles de visages, des amoureux s’enlaçant et autres travaux en cours de réalisation. Le portrait de Rodin trône sur un tabouret haut sis derrière la table de travail. L’expression du visage semble avoir été prise sur le vivant pour être figée dans la matière.
Entre en scène Camille Claudel âgée s’appuyant sur une canne pour avancer péniblement. Les traits tirés, elle évoque les souvenirs de sa jeunesse, les plus belles heures de sa vie dit-elle avec un soupçon de nostalgie qui luit dans ses yeux. Sa maman revient souvent dans cette énumération d’images qui traduisent des regrets et des silences. L’ombre de Paul, le frère écrivain, apparait dans la galerie de portraits familiaux.
La jeune Camille fait irruption sur le plateau. Elégamment vêtue d’une robe dessinée pour séduire, elle promène sa beauté avec l’insouciance de son âge. L’œil rieur, la bouche esquisse des sourires qui en disent long sur son appétence de croquer le bonheur et la vie. Légère et romantique, Camille s’épanouit dans l’atelier d’Auguste Rodin où élève, elle s’initie à la sculpture que lui enseigne le maître. Rodin s’extasie des progrès réalisés par la jeune fille et il la considère tel un prodige. Le temps passant, nait une relation amoureuse entre Camille et Rodin, laquelle va déborder en un torrent passionnel et charnel.
Camille Claudel œuvre dans son atelier à la réalisation de commandes émanant des personnalités du moment. Elle s’aperçoit que Rodin utilise à ses fins son talent et qu'il ne l’épousera jamais. Camille délaisse son amant qui n’a jamais quitté Rose, sa première passion amoureuse. Devenue une artiste réputée, elle crée L’Age mûr qui rappelle trait pour trait sa rupture avec Rodin. L’élève ayant dépassé le maître, la liberté artistique de Camille dérange tant Rodin que nombre de personnes de son entourage immédiat, lesquels signent les papiers de son internement psychiatrique.
Camille contre Claudel, Camille rentre en fusion et en confrontation avec et contre elle-même à différentes étapes de sa vie. Les Camille se regardent mutuellement sans se voir, un dialogue s’installe et les mots semblent les traverser avec une intensité proche de l’hypnose. Les mains se cherchent, les yeux se posent sur l’autre qui n’est plus, les corps se détournent de la réalité pour plonger dans un passé intime et ombrageux avec Rodin. Le temps caresse les souvenirs sculptés dans le plâtre et le marbre. Des œuvres ont vu le jour, certaines ont résisté à l’histoire de Camille Claudel, d’autres ont été détruites sous le coup de la colère et de l’abus d’alcool. L’internement psychiatrique a détruit la femme et l’artiste. Les calomnies proférées par la rue la blessent, les silences de sa mère et de Louise la meurtrissent, Rodin l’a perdu à jamais. Les Camille se font face dans un jeu de transparence feuilleté de conscience et de déraison. La beauté du tableau se veut extrême dans les mises en situation où Camille tutoie le bonheur et la jouissance et se noie de l’intérieur durant sa période d’internement. Les alcools de sa vie passant se résument à l’aigreur, la colère, l’incompréhension et l’impuissance.
La mise en scène d’Hélène Zidi, c'est la rencontre d’une Camille Claudel jouissive et agressée dans sa carrière artistique par un seul homme qu’elle aima plus que de raison. La passion l’emportant dans un déferlement physique et psychologique insondable, Rodin eut gain de vie sur sa protégée à l’amour à la folie. Hélène Zidi a façonné en mots et en lumières le destin magique et tragique d’une femme avec une telle exigence que le rendu artistique est simplement éblouissant.
Hélène Zidi est ébouriffante dans l’interprétation de Camille à l’âge mûr et âgée. Elle vit le personnage en lui insufflant beaucoup d’elle-même. C’est la marque des grands artistes, Hélène Zidi en est.
Lola Zidi impressionne dans l’interprétation de Camille Claudel jeune, belle et libre. Lola rentre de corps dans la jeunesse de Camille avec laquelle elle partage les plaisirs de la vie et de l’amour sans se soucier du lendemain. Légère comme une main qui caresse le feutre de l’innocence, le corps de Lola Zidi s’envole dans des chorégraphies signées Michel Richard, lesquelles se mêlent de poésie et d’insolence. A la beauté d’exécution du geste, s’associe la musique qui s’accorde à l’écriture physique déployée par la comédienne. Lola Zidi, une virgule de bonheur à voir dans Camille contre Claudel.
Camille contre Claudel, un chef d’œuvre théâtral magistralement mis en scène et joué par Hélène Zidi et Lola Zidi.
Camille contre Claudel
Adaptation et mise en scène Hélène Zidi
Assistée de Grégory Antoine Magana
Avec Lola Zidi et Hélène Zidi
Créations lumières : André Diot
Décor : Francesco Passaniti
Création son : Vincent Lustaud
Chorégraphie : Michel Richard
Costume Marvin Marc
- Du 6 au 30 juillet 2016 à 14h00 au Théâtre du Roi René - Festival Avignon Off 2016 - Relâches les 11, 18 et 25 juillet 2016
- Du 7 au 30 juillet 2017 à 17h15 au Théâtre du Roi René - Festival Avignon Off 2017
- Le 24 mars 2018 : Nogent-sur-Seine (10)
- Le 3 mai 2018 : Le Chesnay (78)
- Du 6 au 29 juillet 2018 au Théâtre du Roi René ( 84000 Avignon ) à 16h35 - Festival Avignon Off 2018
- Jusqu'au 9 février 2019 au Théâtre du Roi René (12 rue Edouard Lockroy, 75011 Paris)
- Du 4 au 28 juillet 2019 au Théâtre du Roi René à 15h35 (Avignon) - Festival Avignon Off 2019