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La tendresse : un autre regard sur les hommes, une mise en scène percutante et riche de spontanéités

  • Écrit par : Xavier Paquet

la tendressePar Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Le quartier, les amis, l’esprit de bande avec ses codes, ses valeurs, sa manière de penser et sa soif de parler mais aussi ses interdits, ses masques et tout ce que l’intériorité a de caché pour ne pas s’exprimer.

Cris du cÅ“ur, cris du corps, cris de révolte : ils sont jeunes, s’invectivent, se moquent, se chambrent, s’énervent mais derrière la façade, derrière les stéréotypes, les mêmes problématiques et les mêmes sujets de discussion et de fragilité. Les filles, la drague, la première fois, le sexe, le regard des autres : autant de doutes et de certitudes partagés.

La tendresse met en exergue un groupe de huit jeunes hommes aux origines variées, à l’éducation diverse, à l’assurance plus ou moins maitrisée, au physique et au verbe aussi atypiques que leur parcours personnel. Leurs moqueries de groupe, leur virilité exacerbée servent de point de départ pour une exploration collective et intime sur leur culture, sur les ancrages masculinistes ou machistes dans lesquels ils baignent depuis l’enfance, sur la manière dont ils se sont construits au coeur de leur adolescence et sur l’influence culturelle des autres pour bloquer toute tentative d’y échapper.

Fabriqués par des modèles sociaux et familiaux, ils s’interrogent sur ce qu’est être un homme aujourd’hui, sur l’égalité avec les femmes et comment se remettre en question pour répondre aux multiples, et parfois contradictoires, attentes sociales. Ils décortiquent et démontent petit à petit leurs codes, personnels comme ceux du milieu, et cherchent leur identité dans ce monde en mouvement dont les normes changent.

La tendresse c’est avant tout un style, une langue bien particulière où rien n’est fabriqué ni transfiguré pour les codes du théâtre. Non ici, tout est naturel, sincère, authentique : on parle vrai, on parle cash, on ne met pas les formes alors oui il y a de la vulgarité et de la violence. Mais derrière, et c’est tout le charme du texte, des moments d’introspection où les fêlures et fragilités sont exposées au grand jour et où la langue se pare de parures nuancées, poétiques, sensibles. Cette tendresse qu’ils font éclater en eux-mêmes permet une distance avec leur virilité et une révélation tant de leurs faiblesses que de leur volonté de se réinventer.

La mise en scène nous provoque et nous percute avec une entrée fracassante, presque hardcore dans sa brutalité, mais au service du propos pour exposer sans artifice les colères et fractures. Aux scènes collectives rythmées par l’énergie spontanée et la dynamique de groupe, succèdent des monologues ou dialogues plus intimes où chacun se livre et le fait à sa manière. La danse et le rap restent très présents comme moyens d’expression et de libération de soi-même au-delà du code collectif. La scénographie bâtie sur une plateforme minérale reste brute et minimaliste pour mieux laisser les corps et les âmes s’exprimer et rendre visible ce qui est caché. Montagne symbolique qu’ils grimpent ou descendent, elle exprime ce qu’ils doivent gravir pour se déconstruire et le chemin emprunté pour descendre au plus profond d’eux-mêmes.

D’une très grande sincérité, La tendresse fait résonner un sujet de société majeur et s’exprimer la voix des hommes dans leur apparat viril comme leur sensibilité. A l’inverse des normes sociétales et d’une époque qui expose et impose sans nuances, cette pièce apporte une fraîcheur sur les doutes et fractures personnelles de ces hommes si souvent vilipendés mais finalement rarement écoutés dans ce qu’ils ont de plus fragile.

La tendresse
Ecriture et dramaturgie : Kevin KEISS, Julie BERES, Lisa GUEZ
Avec la collaboration de : Alice ZENITER
Distribution : Bboy JUNIOR, Natan BOUZY, Mehdi DJAADI, Alexandre LIBERATI, Djamil MOHAMED, Sacha NEGREVERGNE, Romain SCHEINER, Mohamed SEDDIKI
En alternance : Marin DELAVAUD, Léopold FAURISSON, Bel Abbes FEZAZI, Saïd GHANEM, Guillaume JACQUEMONT, Tigran MEKHITARIAN, Soulaymane RKIBA, Mathis ROCHE
Mise en scène : Julie BERES
Son et musique : Colombine JACQUEMONT
Costumes : Caroline TAVERNIER, Marjolaine MANSOT
Scénographie : GOURY
Lumières : Kélig LE BARS, Mathilde DOMARLE
Chorégraphie : Jessica NOITA

Dates et lieux des représentations: 

- Jusqu'au 20 juillet 2025 au Théâtre des Bouffes Parisiens ( 4 rue Monsigny, 75002 Paris) 

 

 


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