Théâtre : l’Olympe de l’émancipation féminine et de l’antiesclavagisme
- Écrit par : Christian Kazandjian
Par Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Firmine Richard est Olympe de Gouges, figure marquante de la Révolution française et des combats contre l’esclavage et pour l’émancipation des femmes.
Marie Gouze, plus connue sous le nom d’Olympe de Gouges (1748-1793), fut longtemps considérée comme pionnière du féminisme, occultant quelque peu d’autres protagonistes de la Révolution française, en la matière. Il faut, cependant, reconnaître la place importante qu’elle occupa durant les convulsions des événements qui transfigurèrent la France et essaimèrent, par la suite, dans le monde : lutte pour la citoyenneté des femmes, et pour l’abolition de la peine de mort et de l’esclavage. La vie d’Olympe de Gouges a toujours balancé entre les deux pôles de la société d’alors : noblesse et peuple. Fille adultérine d’un marquis du sud-ouest, elle fréquente les salons, écrit des pièces de théâtre (« beaucoup de mauvaises, mais quelques bonnes », selon ses dires), collectionne les amants, et se lance dans la grande aventure révolutionnaire. Partisane de Robespierre, avec lequel elle partage les idées d’abolition de la peine de mort et de l’esclavage, elle s’en détourne durant la Terreur qui la conduira à la guillotine. A la différence de l’Incorruptible, intraitable quant à la ligne politique et éthique, Olympe de Gouges ne tranchera pas, par exemple, entre le meilleur régime à imposer au pays, de la république ou de la monarchie. La pièce Olympe, écrite par Frankito à partir des textes d’Olympe de Gouges, reprend les principaux jalons de la trajectoire d’une femme exceptionnelle : vie privée quelque peu agitée et amour pour son fils unique, confrontation avec Robespierre, lutte pour l’abolition de l’esclavage.
Une profonde humanité
Pour porter ce personnage complexe et lumineux, il fallait le talent et la forte présence de Firmine Richard, accompagnée de deux musiciens. Que le rôle soit tenu par une septuagénaire (Olympe a 45 ans quand elle meurt), originaire de Guadeloupe loin de désarçonner, donne plus de force aux textes, apanage du théâtre appliquant ses propres conventions. La comédienne, dans un décor réduit à un lit, un tabouret et le mur de pierres d’une sinistre geôle, avec une économie de gestes et de déplacements, dévoile toute la profondeur et l’humanité d’une femme dans la tourmente qui, par sa force de caractère, réussit à imposer sa citoyenne féminité. Et rappelle que plus de cent-cinquante ans après les acquis de la Commune de Paris, et plus de deux siècles après 1789, ses combats restent d’une brûlante actualité. Franck Salin, le metteur en scène, en choisissant Firmine Richard, suggère : qui peut le mieux parler d’esclavage qu’une descendante d’esclaves. Et il le rappelle en faisant se maquiller et vêtir de blanc la comédienne, référence au livre de Franz Fanon, combattant pour la liberté et contre le colonialisme, Peau noire, masques blancs. Quant à la musique d’Edmondy Krater, trompettiste-percussionniste, qu’il joue avec la violoncelliste Eugénie Ursch, elle projette l’œuvre au-delà d’une période historique donnée, alliant le scat du jazz né du blues que chantaient les esclaves cueilleurs de coton, et les tambours nègres à l’Hymne à la joie, œuvre porteuse d’espoir et de fraternité.
Un spectacle d’une intense humanité, nécessaire donc en la période troublée et dangereuse que traverse notre monde.
Olympe
De : Frankito
Mise en scène : Franck Salin
Avec Firmine Richard, Edmondy Krater et Eugénie Ursch
Dates et lieux des représentations :
- Jusqu'au 6 avril 2025 au Studio Hébertot, Paris 17e (01.42.93.13.04.)