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Actualité de l’Antigone de Sophocle : une version aux accents d’une étonnante modernité de la pièce écrite il y a sept siècles

  • Écrit par : Christian Kazandjian

AntigonePar Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ La légende d’Antigone a traversé les siècles, sous forme de pièces de théâtre, d’opéras, de films et de romans, de Sophocle (441 avant JC) au XXIe siècles.

Des dramaturges tels que Cocteau, Brecht , des romanciers (Sorj Chalandon), des compositeurs (Mendelssohn, Saint-Saëns, Honegger), des réalisateurs (Liliana Cavani, Stelio Lorenzi), y ont trouvé source à inspiration. De la liste des metteurs en scène s’étant attaqué au monument, nous noterons Jean Dasté, Wajdi Mouawad ou Adel Hakim avec le théâtre national palestinien en 2012. Autant d’éléments, s’il en était encore besoin, pour souligner la modernité des thèmes soulevés par le poète grec : politique, pouvoir, patriarcat, tyrannie, résistance. Le drame se déroule dans une Thèbes où deux frères, Etéocle et Polynice, fils d’Œdipe et de Jocaste, s’affrontent et s’entretuent. Leur oncle Créon prend alors le pouvoir et décrète l’enterrement avec les honneurs d’Etéocle et la pâture pour chiens et charognards pour Polynice, ajoutant que tout manquement à ses ordres entrainerait la mort. Antigone, malgré les supplications de sa sœur Ismène, passe outre l’interdiction et enterre son frère ravalé au rang de traitre. Créon, malgré les arguments de son fils Hémon, promis à Antigone, ordonne d’exécuter la sentence. Malgré son revirement tardif, sous la pression muette de la rue et l’intercession du devin Tirésias, les deux jeunes gens se donnent la mort. Créon, accablé de remords, abdique.

Un miroir des sociétés

On se trouve en présence, avec Antigone, à tous les sentiments qui président à la destinée des êtres et des sociétés : amour, domination politique et misogyne, ambition au service du pouvoir, perversion des valeurs et principes et, enfin, désobéissance civile. On le voit : autant de thèmes d’une absolue modernité. Il n’est que de se projeter dans le monde d’aujourd’hui. On le constate avec les guerres où l’adversaire est déshumanisé (le cadavre de Polynice est livré aux chiens), avec les atteintes aux droits et conquêtes des femmes (Créon refuse de céder devant sa nièce), avec la violation des valeurs et principes érigés, par les nations, en lois universelles (chez Sophocle, les dieux), avec les dictatures (Créon agit contre les divinités et la cité), et avec le refus de se plier à des décisions iniques (Antigone s’oppose à la décision de son oncle, tout comme Hémon, et enfin, Ismène qui rejoint le combat de sa sœur).

Une stratégie d’affrontement

La mise en scène de Betty Pelissou, qui joue la garde, fait le choix du dépouillement. Le phrasé adopté par les six comédiens, comme les costumes modernes, le décor épuré (deux fauteuils, deux sculptures, un échiquier), permettent de mieux donner à entendre l’âpre poésie du texte. Le parti-pris souligne l’affrontement, symbolisé par le jeu d’échecs (le coryphée déplace les pièces au gré des événements), où chacun avance ses arguments, donc ses mouvement sur les cases, en vue de soumettre l’adversaire. Comme dans le jeu, tout repose sur la dualité du noir et du blanc : la pure Antigone est de blanc vêtue quand les autres sont de noir, sauf Hémon qui porte les deux couleurs, tiraillé entre son rang d’héritier du trône et son amour pour Antigone. Seule référence (hommage à Sophocle) au théâtre antique grec : Tirésias arbore un masque selon la tradition. Cette Antigone souligne à propos la pérennité d’une l’œuvre qui n’a pas pris une ride. Une belle réussite à voir absolument.

Antigone 
De : Sophocle
Mise en scène  : Betty Pelissou
Avec Lucille Arnaud, Sébastien Ory, Valentine Lebrun, Betty Pelissou, Anais Richez, Damien Dufour (en alternance) et Johan Schies (en alternance)
Production : La Poqueline

Dates et lieux des représentations:
- Jusqu’au 22 février 2025 au Studio Hébertot, Paris 17e (01.42.93.13.04.) 


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