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Théâtre : Malwida ou le guide de l’amitié créatrice

  • Écrit par : Christian Kazandjian

malwildaPar Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ A contrario des muses chères à une certaine littérature, Malwida von Maysenbug fut amie et accompagnatrice spirituelle de Romain Rolland.

Un pianiste joue une sonate de Bach, tandis qu’on entend la voix alentie d’un vieil homme. Romain Rolland se souvient de cette entrevue décisive, chez son professeur Gabriel Monod, avec une femme âgée de 72 ans, Malwida von Maysenbug, alors qu’il achève des études d’histoire, Le futur prix Nobel de littérature 1915 ne se doute, alors, pas que cet événement va marquer sa vie. Tout, en apparence, les oppose. L’âge tout d’abord –il a 23 ans-, la nationalité, les origines sociales. Elle est de nationalité allemande et noble quand lui est issu de petite bourgeoisie de Clamecy dans la Nièvre. Quelle intuition pousse Gabriel Monod à provoquer cette improbable rencontre ? Le professeur a décelé, chez son élève, une élévation d’esprit, une humanité, en tous points semblable à celle de la brillante intellectuelle et féministe. De cette affinité élective naît une correspondance de 1 500 lettres, en trois années (1888-1891) et une profonde et durable amitié. Romain Rolland lie connaissance, grâce à son amie, avec les grands intellectuels et artistes de son temps, avec qui il établit conversations et échanges épistolaires soutenus. Citons Wagner, (Romain Rolland fut un musicologue et un musicien brillant ayant écrit sur Berlioz, Mozart ou Grétry), Freud, Nietzsche, Aragon, Tagore, Zweig. Comme celle qui fut, au début, amie et guide spirituelle, il s’intéresse et défend les causes justes, les luttes populaires, toujours en quête de la sagesse et de la paix. Au final, une expérience qui marquera pour toujours l’écrivain, tant dans sa vie que dans son Å“uvre, comme en donne exemple son roman le plus célèbre Jean-Christophe, ce qui lui fit dire : « En ce sens, j’ai été créé par Malwida Â».

Une amitié créatrice

Malwida offre l’occasion de connaître une femme exceptionnelle et d’approfondir la connaissance d’un auteur quelque peu oublié aujourd’hui, tous deux humanistes convaincus et intellectuels engagés. La pièce tirée de cette rencontre est un hymne à « l’amitié créatrice Â», telle que la conçoit Maldiwa von Maysenbuch, à savoir une amitié, chargée d’amour et qui permet à l’autre d’avancer. La pièce donne à entendre une langue riche, profonde, sans artifices ; chaque mot porte. Elle est l’occasion d’apprécier de courts passages de Bach, Beethoven, Wagner joués par Ilyes Bouyenzar, convainquant en un jeune Romain Rolland, encore hésitant, mais déjà habité par de fermes convictions. Malwida est magistralement interprétée par Bérengère Dautun, qui fut sociétaire de la Comédie française ; elle restitue toute la finesse, l’empathie et la vivacité d’une grande figure qui fréquenta l’intelligentsia européenne, tout en conservant son libre arbitre et sa bienveillance. Gabriel Monod, au rôle quelque peu effacé, doit à Benoît Dugas une indispensable présence ; il établit le lien entre les deux amis qu’il a contribué à rapprocher. Il fait office de régisseur de plateau, retournant les panneaux peints signifiant un changement de lieu, faisant parvenir aux autres un accessoire : intelligente manière de signifier l’apport essentiel du professeur, lui-même humaniste, dans les vies de Romain Rolland et de Malwida. La distribution se complète de la voix chaude, profonde de Jean-Claude Drouot donnant à la personnalité de Romain Rolland toute son affectueuse passion. Un beau spectacle en hommage à la puissance du verbe, de l’esprit et de l’amitié.

Malwida
Texte : Michel Mollard
Mise en scène : François Michonneau
Avec Bérengère Dautun, Benoît Dugas et Ilyès Bouyenzar
Avec la voix de Jean-Claude Drouot
Costumes : Frédéric Morel
Production : MM Arts
Durée : 1h15

Dates et lieux des représentations:

- Jusqu'au 27 octobre 2024 au Studio Hébertot, Paris 17e (01.42.93.13.04.) du jeudi au dimanche.

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