Mais quelle comédie! : une réjouissante mise en abîme du théâtre
- Écrit par : Xavier Paquet
Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Quoi de plus joyeux que ce pas de côté offert par la troupe de la Comédie Française ? Sortir des conventions théâtrales habituelles pour proposer un spectacle vivant et festif, qui emprunte à de multiples pratiques pour partager avec le public un amour de la scène et une interprétation aux antipodes des rôles comiques ou tragiques qui rythment leur quotidien. Un pari audacieux mais relevé avec maestria.
Rideaux pailletés, voiles rouges soyeux, décor de cabaret, le show commence sous des airs de Broadway en mode comédie musicale. Un tableau spectaculaire et haut en couleurs qui met le public directement dans l’énergie du spectacle mais qui pourtant en est.. La fin. Ce beau moment chorale où toute la troupe est en symbiose marque le début d’une représentation iconoclaste où les moments chantés succèdent aux parties dansées, avec énergie, fougue et un certain talent dans la chorégraphie et la précision millimétrée des déplacements et des interactions.
Mais résumer « Mais quelle comédie » à un simple spectacle musical serait ne pas rendre justice à la créativité de l’ensemble avec des moments solo où chacun fait part d’une introspection et d’un recul sur sa personnalité, sur la femme ou l’homme derrière l’artiste, sur la passion qui l’anime et son goût pour la scène. L’un voudrait jouer du tragique mais on ne lui en propose pas, l’autre parle de la difficulté de concilier l’enchainement de représentations avec une vie de famille, le jeune premier vient passer une audition pour rentrer dans la Troupe quand son collègue a du mal à retenir son texte.
Chacun y va de son anecdote, de son moment de théâtre pour évoquer avec sensibilité et autodérision son essence personnelle, son rapport à la scène, au public. Ce sont des moments intérieurs, des souvenirs individuels mais aussi le plaisir d’être ensemble, de se confier, de jouer, d’avoir cet esprit de corps et de troupe, de leurs désirs et de leurs frustrations. Tout ce qui les rassemble dans cette mise en abyme où chaque membre de la troupe parle de, et à , la troupe et la remercie pour ce qu’elle lui apporte.
Aux numéros solitaires, plein de tendresse, de poésie et surtout d’humour, s’enchainent des numéros de groupe où le divertissement du tableau répond au charme de la comédie musicale anglo-saxonne ou à la dimension populaire et rétro de certaines chansons. Dans certaines répliques, dans certains arrangements, le théâtre n’est jamais loin. Et le plaisir de jouer toujours présent.
Cette association est mise en valeur par la musique jouée en live, pianiste à jardin, autres instruments à table dans ce faux décor de cabaret, un dispositif scénique modulable permet de créer des tableaux d’envergure et de voir la mise en scène avec grandeur et élégance. Le tout superbement mis en lumière par un éclairage favorisant l’ombre chinoise en arrière-plan et l’esprit festif au premier.
Derrière la vulnérabilité personnelle se cache toujours la force intérieure de l’artiste et la puissance du collectif. Derrière la condition du comédien, se dessine toujours la joie d’être et de jouer. Eternellement.
Mais quelle comédie!
Conception et mise en scène : Serge Bagdassarian et Marina Hands
Scénographie : Chloé Bellemère de l’académie de la Comédie-Française
Costumes : la Troupe sous le regard amoureux de Christian Lacroix et Jean Philippe Pons
Lumière : Bertrand Couderc
Direction musicale et arrangements : Vincent Leterme et Benoît Urbain
Son : Julien Hulard
Travail chorégraphique : Glysleïn Lefever
Assistanat aux costumes : Jean Philippe Pons
Assistanat à la mise en scène : Alison Hornus
Dates et lieux des représentations:
- Jusqu'au 21 juillet 2024 à la Comédie Française - Paris