Par Guillaume Chérel - Lagrandeparade.com/ Membre du collectif « de désir » de La Criée, à Marseille, François Cervantes qui participe à « l’espace de conversation » ouvert par Robin Renucci, entend interroger la « matière individuelle du destin commun » (dixit). Le repas des gens part d’une scène de son précédent spectacle, Le Cabaret des absents. Il s’agit de l’arrivée sur scène de Robert et se sa femme, invités par un cousin éloigné du directeur du théâtre, en Ville. Eux habitent, chichement, devine-t-on à leur manière de parler et de s’habiller, dans un quartier qu’ils n’ont jamais quitté, depuis qu’ils se sont rencontré et mis « ensemble » à l’âge de 13 ans.

Le couple, intimidé, est accueilli par le régisseur du théâtre, un petit bonhomme chauve qui leur a préparé un dîner. Et ça tombe bien parce que c’est le seul moment où ils se parlent, surtout Robert, le taiseux, qui ne sait que dire oui, ou parfois non, mais c’est rare. Ils ne sont jamais allés au théâtre de leur vie, alors se retrouver sur scène, en plus, ça les rend très émotifs. Peu à peu, grâce à l’aide du vin, notamment, qui désinhibe madame, ils se livrent davantage au public à qui ils s’adressent, et trouvent étonnannament « silencieux ». S’ensuivent quelques scènes drôles qui rappellent les Deschiens, la série TV crée par Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff, dont l’ombre commence à planer sur le plateau de la Criée, parce qu’on se dit que c’était « pas si mal », à son époque, en tout cas plus rythmé, enthousiasmant…

A l’image de ce spectacle prometteur mais inabouti, il serait temps que Robin Renucci concrétise les grands axes de sa première saison 2023/2024, basés sur un élargissement à tous les publics ; agrandir la vision du Monde ; capter la jeunesse… Or, pour le moment, on est resté sur notre faim. Le repas de gens manque indéniablement de rythme. Les acteurs sont irréprochables mais ils font avec ce qu’ils ont à disposition : un texte parfait au début, qui se perd au milieu, et une mise en scène mollassonne. Dommage, car l’idée de départ est belle : « J’ai des cousins en Espagne qui ne sont jamais allé au théâtre », a confessé François Cervantes : « Voilà déjà plusieurs spectacles que me trotte dans la tête l’évidence que je comprends mieux les gens que le monde. Le sentiment d’être à la marge de son cours, de ne pas faire partie de l’Histoire est largement partagé ».

Il est parti du particulier (un couple de Bidochon) pour imaginer, en creux, un destin commun à partir du croisement des histoires individuelles. C’est là que le bât blesse. Alors que tout était en place, sur le plateau (table avec couvert, couple pompette, et serveur gentil mais bizarre), dans un univers comédie douce, façon The Party, de Blake Edwards, avec Peter Sellers (rien que ça ?!), Cervantes nous embarque dans une histoire de fantôme longuette et peu convaincante, malgré les jeux de lumière et de fumée. Qu’il ait récolté des portraits de son spectacle à partir de ses rencontres, à Loos-en-Gohelle, pendant une semaine, où il a côtoyé six personnes qui lui ont ensuite présenté leurs enfants, leurs amis, c’est son histoire de créateur. Comme le fait qu’il soit allé à Saintes et à Toulon, pour « progressivement élargir les cercles ». S’il a été « envoûté », lui, par le fait que leur destin ait croisé la Grande Histoire, grand bien lui fasse, mais ce qui intéresse le public, c’est ce qui se passe sur le plateau. Hormis des comédiens et comédiennes excellents, qui se débattent pour exister, il ne se passe pas grand-chose (de vivant) sur scène.

Le repas des Gens
Durée : 1 h 30
Texte et mise en scène :  François Cervantes
Avec Julien Cottereau, Catherine Germain, Fanny Giraud, Lisa Kramarz, Stephan Pastor
Régie Lumière : Nicolas Fernandez.
Création Lumière : Christian Pinaud.
Costumes : Virginie Bréger.
Régie Générale : Xavier Brousse
Coproduction la Criée/Cie L’entreprise

Dates et lieux des représentations :

- Jusqu’au 27 janvier 2024 , à la Criée. Résa : 0491547054, au 30 quai de la Rive Neuve 13007 Marseille. Métro Vieux Port.