Dissident, il va sans dire : un portrait des années 70 au travers du lien fort entre une mère et son fils
- Écrit par : Xavier Paquet
Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ L’intérieur d’un appartement populaire de la fin des années 1970.
Une cuisine, sa table en formica bleu, son espace réduit, une chambre exiguë d’adolescent, son aquarium vide et sa collection de vinyles éparpillée à même le sol. Le décor est planté dans cet espace réduit où Philippe et sa mère Hélène vont se livrer à tant d’amour filial, de passion, de tendresse mais aussi de questionnements, de révolte, de moments ratés ou attachants.
Dissident est une pièce atypique et particulière : une succession de fragments de vie qui se succèdent, des captations d’une intimité familiale, d’une tranche de désordre intérieur dans la tête de Philippe, le fils en révolte contre sa mère, son père, la société, contre lui-même. Sa mère l’interroge, le protège, l’invective, le câline et l’énerve. Il aimerait réussir à couper ce cordon qui le relie, à s’émanciper et être lui-même : quelque chose le retient. Elle ou lui ?
La pièce, écrite en douze chapitres courts, est d’abord la mise en valeur d’une écriture singulière, d’un langage quotidien, d’un verbe où rien ne dépasse. La plume de Michel Vinaver explore les échanges bruts, banals d’une famille monoparentale : cette routine de mots et d’émotions, ces questions qui déstabilisent, ces dénis que l’on fait, ces silences qui veulent tout ou rien dire. Une écriture précise, juste, qui traduit toute la tendresse et la pudeur de la communication entre une mère et son fils, la vivacité d’un adolescent qui se veut indépendant et d’une mère qui l’aime plus que tout.
Et puis derrière les mots anodins, derrière la façade des réponses, le vernis qui se fissure : celui d’une famille monoparentale prolétaire qui rêve d’un avenir meilleur.
Dissident c’est aussi le portrait d’une époque, cette fin des seventies où la crise s’installe, où la société mue, où la joie d’hier fait place au doute et à la peur du lendemain, où le fils veut un monde meilleur pour sa mère plus que pour lui. Pour exprimer toute la poésie de ce texte, il fallait une scénographie tout en subtilité. Elle l’est et arbore elle aussi une forme de singularité avec la projection d’une vidéo de l’auteur narrant avec poésie ce qu’il a voulu écrire dans cette pièce. L’utilisation de vidéos est souvent à bon escient (clin d’œil génial d’utiliser des personnages Playmobil pour revivre les journaux TV d’époque) même si elle casse le rythme par les ruptures entre chapitres qui plombe un peu l’énergie globale de cette pièce déjà courte.
Par sa vision et ses sujets familiaux et sociétaux, Dissident est une pièce tout à fait actuelle et qui résonne avec notre monde d’aujourd’hui. Avec poésie, candeur et fragilité ; et la tendresse nostalgique d’une période oubliée.
Dissident, il va sans dire
Auteur : Michel Vinaver
Metteur en scène : Hugo Givort
Avec Pablo Cherrey-Iturralde, Judith d'Aleazzo
Crédit-photo : Hugo Givort
Dates et lieux des représentations :
- Jusqu'au 31 mai 2023 à l'Artistic Théâtre ( 45 bis, rue Richard Lenoir, 75011 Paris)