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On ne badine pas avec l'amour, mis en scène par Laurent Delvert : les histoires d'amour finissent mal en général

  • Écrit par : Virginie Gossart

badine Par Virginie Gossart - Lagrandeparade.com/ Que se passe-t-il ce soir au théâtre Bernadette Lafont ? Le son des basses et de la musique électronique retentit depuis l'extérieur.

Une fois dans la salle, on a envie de danser avec les comédiens, qui se déchaînent sur la scène au son d'une musique de club, invitant les spectateurs à faire de même. Ce thème de la fête, joyeuse et débridée, reviendra régulièrement scander les temps forts de la pièce, au son d'une techno berlinoise qui annonce la volonté de moderniser le drame de Musset, débutant dans un registre léger, malicieux, voire comique, pour s'achever en pure tragédie.

Camille et Perdican s'aimaient d'un amour tendre, presque fraternel (rappelons qu'ils sont cousins...), lorsqu'ils étaient enfants. De retour dans son château natal au sortir de ses études, Perdican entend bien demander la main de sa cousine. Tout le monde, autour des deux jeunes gens, s'attend à cette suite logique, le Baron en tête, père du jeune homme et oncle-tuteur de Camille. Cette dernière ne l'entend pourtant pas de cette oreille et joue les indifférentes. Veut-elle mettre Perdican à l'épreuve ? Piquer au vif son amour-propre ? Craint-elle, au sortir du couvent, les souffrances de l'amour ? Sans doute tout cela à la fois. Toujours est-il que les deux amoureux entament un jeu du chat et de la souris dont la cruauté provoquera la chute de Rosette, jeune paysanne trop faible et crédule pour comprendre ce qui se joue autour de sa personne.
Musset écrit cette pièce au sortir de sa relation tumultueuse avec George Sand. Leur passion a nourri le texte, qui contient des extraits tirés de la propre correspondance du dramaturge, dont la tirade, fameuse, qui est passée à la postérité : "Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux... ; les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses... mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux" (pour ceux qui ne connaîtraient pas encore cette réplique, lisez Musset, ou regardez "L'Étudiante" de Claude Pinoteau).
Laurent Delvert affiche sans ambages sa volonté de dépoussiérer les thématiques abordées dans la pièce : les inégalités entre hommes et femmes, le patriarcat, la violence sociale. Le dispositif scénique, très élaboré et esthétique, va constamment dans ce sens. La présence des smartphones, reliés à la vidéoprojection, livre une autre vision des événements, surtout lorsque le langage des corps contredit celui des mots. On pourra néanmoins discuter la pertinence de ce procédé, dont le théâtre contemporain a tendance à user et abuser. De même, au sein de ce dispositif qui évoque notre présent le plus proche, on s'interroge sur l'utilité des personnages de Dame Pluche, Maître Bridaine et Maître Balzius, dont les préoccupations et les bouffonneries alourdissent l'intrigue et tombent à plat, tant elles semblent archaïques, tirées d'un autre siècle, d'un autre monde.
C'est en fin de compte le jeu de dupes mortel auquel se livrent Perdican et Camille qui nous émeut le plus. Ces deux-là, cherchant constamment des preuves de l'amour de l'autre, sont en fait débordés par leur amour-propre, qui les poussera à sacrifier celle qui n'a pas assez d'éducation ni d'esprit pour comprendre, avant qu'il ne soit trop tard, qu'on l'a utilisée.
A ce titre, le tableau final, d'une beauté à couper le souffle, et rappelant un célèbre tableau de Füssli, mérite à lui seul le détour.

ON NE BADINE PAS AVEC L’AMOUR
ALFRED DE MUSSET / LAURENT DELVERT
PIÈCE EN 3 ACTES D’ALFRED DE MUSSET
MISE EN SCÈNE : LAURENT DELVERT
AVEC : JÉRÔME VARANFRAIN, SOPHIE MOUSEL,JOËL DELSAUT, STÉPHANE DAUBLAIN, PIERRE OSTOYA MAGNIN, NINON BRÉTÉCHER, ALICE BORGERS ET JEAN-MICHEL VOVK 

DRAMATURGIE : SOPHIE BRICAIRE
SCÉNOGRAPHIE : PHILIPPINE ORDINAIRE
COSTUMES : CATHERINE SOMERS
LUMIÈRES : STEVE DEMUTH
CRÉATION SONORE : MADAME MINIATURE

CRÉATION AU THÉÂTRE DES CAPUCINS LE 26 JANVIER 2021.
PRODUCTION : LES THÉÂTRES DE LA VILLE DE LUXEMBOURG.
COPRODUCTION : THÉÂTRE DE LIÈGE ; LA COMÈTE – SCÈNE NATIONALE DE CHÂLONS-EN-CHAMPAGNE.

©BOHUMIL KOSTOHRYZ

Dates et lieux des représentations: 

- Les 5 et 6 avril 2023 au Théâtre Bernadette Lafont - Nîmes (30) - Le lien du théâtre ICI

- Les 11 et 12 mai 2023 au Théâtre de Caen ( 135, boulevard Maréchal-Leclerc - 14000 Caen) 


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