Astrid ou l'acerbe comédie : un drame désopilant
- Écrit par : Christian Kazandjian
Par Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Astrid, en chants et alexandrins, décline les codes du théâtre classique avec de fortes touches de modernités. Drôle et bluffant.
Cela commence par un chœur funèbre : Erell est intronisé roi à la mort de son père. Le drame se noue, dans une fondu de noir et de gris : drame. Et tout à coup tout se détraque : la sombre ambiance vire au théâtre bouffe. Nous voici plongés dans un maelström tragi-comique. Et l’alexandrin classique, qui fait loi, ajoute au burlesque. L’intrigue se joue sur les deux pans de l’essence des sociétés humaines : l’amour et le pouvoir. Le roi sacrifiera sa charge à la quête, impossible, de l’amour fou, de celui qui transgresse toutes les règles. Ce faisant, il perdra sur tous les tableaux, offrant le trône à un sinistre marquis intriguant et libertin. Astrid l’acerbe comédie ressortit du théâtre classique, de par la trame - trahisons, mésalliances, meurtres - et l’usage de l’alexandrin. Mais également et surtout, de la comédie : comique de situation, jeux de mots, quiproquos, rebondissements, loufoquerie de certains personnages, chansons. Et le sacro-saint alexandrin cher au théâtre classique est, ici, hérissé de réflexions ex abrupto, d’expressions contemporaines, et de mimiques déclenchant le rire.
Le rire comme révélateur
On l’aura compris : Astrid offre un spectacle qu’on dit « déjanté » (le Larousse des synonymes proposant un choix quasi illimité d’adjectifs, il reste donc possible d’en inventer de nouveaux collant à cet OVNI de la scène théâtrale). Le texte, comme la mise en scène sont dus à l’inventivité de Marc Tourneboeuf, comédien-auteur d’un quart de siècle d’âge. Il fallait bien l’audace d’un jeune homme pour se colleter avec l’alexandrin qui fit la gloire de Racine ou Molière, et s’attaquer à l’échafaudage des grands drames élisabéthains (l’un des personnages, Duncan, est le sosie presque parfait du roi généreux et quelque peu naïf de Macbeth). Astrid, comme les illustres pièces du répertoire explore les tréfonds de l’âme humaine, expose les tares de nos sociétés gangrénées par la pauvreté de grandes masses et l’indécente opulence d’une caste (ici la noblesse oisive et factieuse). Et le rire en reste un des véhicules les plus efficaces.
La pièce est admirablement servie par douze jeunes comédiennes et comédiens endossant le costume de cinquante-deux personnages. Chacune, chacun y joue sa partition chantée, déclamée (on saluera leur maîtrise de bien dire l’alexandrin), y apportant une fougue de bon aloi. La mise en scène, nerveuse, dans un décor relégué à quelques tentures noires et une table, déborde dans la salle : ça et là, jaillissent les personnages ajoutant à la surprise et la dérision. Un spectacle à déguster sans modération tant la jeune compagnie régale avec un spectacle qui, tout en démolissant les codes classiques, rend hommage et tribut aux grands textes. Astrid est en quête de dates de représentations. Nul doute que de nombreuses structures tomberont sous le charme.
Astrid ou l’acerbe comédie
Texte et mise en scène : Marc Tourneboeuf.
Avec : Basile Alaïmalaïs, Clémentine Aussourd, Ronan Bacikova, Damien Bellard, Pierre Besson, Baptiste Carrion-Weiss, Romain Company, Sébastien Giacomoni, Fiona Lévy, Julia Mevel, Jeanne Pajon, Jean-Philippe Renaud, Pierre Thorrignac, Alexiane Torrès, Marc Tourneboeuf
Dates et lieux des représentations :
- Du mer. 27/10/21 au mer. 27/04/22 à la Comédie Bastille - Paris