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L’Ecume des jours : un hymne à l’éternelle jeunesse

  • Écrit par : Christian Kazandjian

vianPar Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ L’écume des jours dans une version music-hall déjantée et enchanteresse bien dans l’esprit de Boris Vian.

Boris Vian. L’auteur culte, comme on aime à dire aujourd’hui, des années 1960-1970, aura connu des années de demi-sommeil depuis. L’édition d’un disque en 2009, avec comme interprètes, Reggiani, Gainsbourg, Higelin et même Joan Baez et Coluche, entre autres, redonne à l’auteur de la chanson Le Déserteur, un regain de notoriété, tant chez les jeunes des années swing et rock and roll que chez leurs enfants du « heavy » et du rap. Le Déserteur, hymne universel à la paix a été chanté en allemand, italien, japonais et même en macédonien, kabyle, catalan ou ligure. En se penchant sur la riche biographie de celui qui devait mourir -comme il l’avait laissé entendre- à 39 ans, on est pris d’une admiration proche de la sidération. Qu’on en juge. Boris Vian fut écrivain prolifique de romans, de nouvelles, de poèmes et de chansons dont il écrivait la musique ; il jouait de la « trompinette » dans les caves à jazz de Saint-Germain-des-Prés et composa les premiers rocks, interprétés par Henry Cording, alias Henry Salvador ; ingénieur de formation, il élabora des projets d’urbanisme : du dessin industriel le pas fut vite franchi avec la peinture ; il se risqua même à faire l’acteur et à écrire des scénarios. Et à ses heures perdues, il traduisait des œuvres de l’anglais et publiait des critiques sur le jazz et la chanson. Pas mal pour quelqu’un qui aimait la vie à en mourir à moins de quarante ans.

Un univers de tendresse

Dès lors, nous ne pouvons que savoir gré à la compagnie Les Joues rouges de nous (re)plonger dans l’univers déjanté, énervé, tendre et romantique d’un phénix qui laisse une marque durable dans la culture universelle. Car quoi de plus universel que l’amour, cet amour qui transpire dans chaque phrase de L’Ecume des jours qu’a choisi de monter la troupe de jeunes comédiens à la pèche, comme on disait à l’époque de Vian, communicative. Le roman est le cri d’une jeunesse avide de vivre pleinement, de s’aimer. Colin aime Chloé, différemment qu’Elise et Chick ou Isis et Nicolas, mais ces couples, qu’une amitié profonde unit, ont pour gouvernail l’amour, au-delà des vicissitudes, des pièges, des saloperies de l’existence. Sur scène, Boris Vian, devant sa machine à écrire, crée, devant nous ses personnages d’une évidente réalité, car, comme il l’affirme : « Cette histoire est entièrement vraie, puisque je l’ai imaginée d’un bout à l’autre. »

Combattre la bêtise

L’adaptation du roman sert de cadre à l’évocation de son auteur même, à travers les références à l’œuvre et les chansons. On y retrouve tous les engagements de Vian contre la bêtise, l’avidité mercantile, la mesquinerie, la frivolité ou la guerre. Accompagné au pianocktail, une de ses extravagantes inventions, les acteurs font revivre Fais-moi mal Johnny, Ne vous mariez pas les filles, ou J’suis snob ; et le piano joue La java des bombes atomiques et un Chloe d’Ellington de circonstance. On chante beaucoup dans ce spectacle et on danse aussi sur des airs de trompettes bouchées, car nous sommes au music-hall. On rit beaucoup donc, jusqu’à la fin tragique et le déchirant poème-testament Je voudrais pas crever. Tout Boris Vian est dit dans ce spectacle. Tout ? Non, bien sûr. Mais la belle ardeur des comédiens, la parfaite précision du geste -cette vertu qui se doit d’être invisible pour bien servir le texte-, la mise en scène et le décor avec le pianocktail trônant au milieu d’une pièce que l’éclairage rétrécit au gré de l’avancée de la maladie de Chloé aux poumons rongés par un nénuphar, font de ce spectacle une belle réussite. Il donne envie de (re)lire, de (ré)écouter prose et poésie de Boris Vian et de retrouver les personnages fantasques comme le Major, émouvants comme Chloé et Colin ou le Lee de J’irai cracher sur vos tombes, roman qui fit scandale.

L’Ecume des jours
De : Boris Vian
Aaptation et mise en scène : Claudie Russo-Pelosi

Dates et lieux des représentations: 
- Le Lucernaire, Paris 6e (01.45.44.57.34.). Initialement prévu jusqu’au 21 août, le spectacle sera prolongé jusqu’en octobre 2022.

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