Les Visages et les Corps : un hommage émouvant à Patrice Chéreau
- Écrit par : Marie du Boucher
Par Marie du Boucher - Lagrandeparade.fr/ "Les visages et les corps", un spectacle pour théâtreux ? Oui, mais pas que, conclura-t-on à la fin de la représentation. Passée la première partie et le name dropping qui en perdra plus d’un (Hervé, Daniel, etc...), on est emporté dans le monologue-lecture de Philippe Calvario, mis en scène avec brio. Ah, la belle création lumière de Bertrand Couderc ! Quelques chaises, une table, pour signifier l’espace de travail de l’artiste, et rentrer dans son fort intérieur, avec cette ambiance tamisée.
Quel pari de donner à entendre ce texte autobiographique, où Chéreau parle de son rapport au théâtre, à l’image, au cinéma ! En 2010, Patrice Chéreau avait été le grand invité du Louvre, et avait rassemblé des documents (lettres, manuscrits, etc.) publiés sous le titre "Les visages et les corps". Un texte tout en pudeur, où le maître s’interroge sur les démons qui peuplent sa vie (au premier rang desquels Hervé Guibert et Bernard-Marie Koltès, disparus trop tôt), et les artistes, sources d’inspiration constante : Fellini, Visconti et tant d’autres.
« J’ai produit des images au début de ma vie, oui, je pensais alors que le théâtre était cela et seulement cela. Je ne le pense plus, et, paradoxalement, c’est peut-être le cinéma qui m’aura libéré du poids des images. Les visages et les corps, ce serait alors ce que j’ai découvert au fil des années : ce quelque chose qui n’appartient qu’à une seule personne, qui est bouleversant dès qu’il apparaît et se transforme et surtout ne se laisse jamais ENFERMER DANS DES IMAGES ».
Jouer Chéreau, au double sens de jouer du Chéreau, et jouer à Chéreau : le comédien lui ressemble, par moment. C’est aussi en lecteur du maître et ami qu’il se place, avançant le livre à la main et lisant sur des feuilles qui voltigent une à une le texte du spectacle. Le texte avance chronologiquement, nous rapprochant inéluctablement de la mort du metteur en scène en 2013. Le spectacle se termine avec l’image de Philippe Calvario jouant à colin-maillard avec la mort, sorte de Cyrano des temps modernes, continuant de réciter son texte alors qu’il a jeté ses dernières feuilles, aveugle, titubant, et tentant de palper des visages et des corps dans l’espace de la nuit. Emotion garantie.
Les Visages et Les Corps
de Patrice Chéreau , mis en scène et interprété par Philippe Calvario
Durée : 1h10
- Du 2 décembre 2015 au 16 janvier 2016 au Théâtre du Lucernaire à 19h ( 53 rue Notre-Dame-des-Champs 75006 Paris )