Ithaque (Notre Odyssée 1) : le naufrage d’Ulysse
- Écrit par : Imane Akalay
Par Imane Akalay - Lagrandeparade.fr/ La création de Christiane Jatahy mise surtout sur la mise en scène spectaculaire. Il eut mieux valu qu’elle se limite donc au travail scénographique et ne tente pas de raconter une histoire.
La mise en scène est originale. Les gradins sont positionnés de manière bi-frontale autour du plateau divisé en deux par un double rideau de fils blancs. De part et d’autre se jouent deux actes simultanément : d’un côté la scène se passe à Ithaque où une triple Pénélope attend indéfiniment son mari dont elle ne sait s’il est mort ou vivant, en repoussant les avances de ses prétendants avides d’accéder au trône. De l’autre, Ulysse vit avec Calypso depuis qu’il a échoué sur son île sept ans plus tôt et s’interroge sur la nécessité de retourner à Ithaque. De chaque côté du plateau, un grand salon avec table, canapé, lampes et fauteuils, et une ambiance d’apéro auquel les spectateurs sont invités, avec eau, chips et cacahouètes. Les comédiens, trois hommes français et trois femmes brésiliennes qui s’expriment en français et portugais sur-titré, passent d’un côté du plateau à l’autre et tiennent des rôles sur les deux scènes simultanément. Côté Ithaque, les Pénélopes et leurs prétendants évoluent dans une ambiance de décadence mortifère empreinte de douceur qui rappelle celles du théâtre de Tchékhov, la substance en moins. On s’y ennuie assez rapidement. Côté Ile de Calypso, auquel on accède au terme d’un laborieux déménagement de l’ensemble des spectateurs d’un côté du plateau à l’autre, ce n’est guère plus intéressant.
Puis le rideau qui divise le plateau se lève, symbolisant le retour à Ithaque, et les comédiens sont réunis. Le héros de retour est ivre de vengeance et les femmes en sont les premières victimes. Le sol se couvre d’eau, le jeu se fait plus physique. Les acteurs finissent par patauger dans l’eau en se filmant les uns les autres en close-up, les films en résultant sont projetés en gros plan.
Le spectacle réunit pléthore d’artifices de mise en scène avec des moyens techniques très lourds que seul le théâtre public peut se permettre, mais le contenu n’appelle aucune émotion. Techniquement, tant le travail scénographique que le jeu très physique des acteurs sont une véritable prouesse. Ce qui est exprimé, malheureusement, est proche du néant. Et la référence aux noyés de la Méditerranée est tellement convenue et maladroite qu’elle réussit à ne créer aucune émotion, voire même à irriter. Esthétiser un naufrage en robe de soirée dérange franchement.
La pièce tente bien de raconter une histoire fourre-tout d’attente et de retour, de femmes délaissées ou maltraitées, de corruption, de guerre et de grands voyages. Seulement c’est complètement creux. On eut préféré une production scénographique pure exempte de toute dimension dramaturgique.
Ithaque - Notre Odyssée 1
Un spectacle de Christiane Jatahy / artiste associée Théâtre de l’Odéon
Inspiré d’Homère
Avec Karim Bel Kacem, Julia Bernat, Cédric Eeckhout, Stella Rabello, Matthieu Sampeur, Isabel Teixeira
Création 2018 / en français et portugais, surtitré en français
Durée estimée : 2h
Dates et lieux des représentations:
Du 16 mars au 21 avril 2018 aux Ateliers Berthier 17e - Paris