Par Christian Kazandjian - Lagrandeparade.fr/ Avec Etre là, Vincent Ecrepont pose la question du vieillissement et de ses conséquences sur la vie de famille.

Ils sont trois : deux femmes, un homme, la cinquantaine fièrement portée. Ils vont jouer. Jouer comme des comédiens ou bien jouer comme le font les enfants ? Le choix se porte sur le jeu des familles : qui commencera, qui fera tel rôle ? ; puis on va choisir son costume qu’on enfile face aux spectateurs. Les éléments de décor -froids et anguleux de l’univers hospitalier, douillets des appartements- changés à vue, ajoute à l’ambiance ludique. Nous voici en famille donc : un père ou une mère, âgés, qui commence à débloquer, comme on dit. Direction la maison de retraite, après réflexion, échanges, acerbes parfois, entre enfants et parents. C’est dur pour tout le monde de se séparer des êtres chers, des objets familiers, de la maison. Une nouvelle vie -le dernier segment en fait- commence dans un environnement qu’on ressent hostile ou déroutant. Des bouffées de délire alternent avec les périodes d’euphorie et polluent les souvenirs. Mais les sentiments n’en sont point niés. On se met en colère, plus qu’à l’extérieur certes, on rit et on peut même mener amour, entre deux visites des enfants et des petits-enfants qu’on n’attend pas, qu’on a oubliés. Des relations sujettes à quiproquo se nouent avec les visiteurs, étranges familiers, bientôt tout à fait étrangers, sous le regard d’un personnel médical attentionné.

Etre là, pose la question du vieillissement et de la vieillesse, phénomènes inéluctables auxquels les individus et notre société sont mal préparés. Quand commence-t-on à vieillir ? Comment l’accepte-t-on, chez nous et chez nos parents ? La perte d’autonomie voue-t-elle la personne âgée à l’éloignement du milieu familial ?  Peut-on concevoir le déchirement que cela représente pour l’ensemble des membres affectés avant d’y être soi-même confronté ?  Vincent Ecrepont, qui a écrit et mis en scène la pièce, a recueilli, trois années durant, des témoignages au pôle de gérontologie du CHU de Beauvais. Il restitue les angoisses, les doutes, mais aussi les moments de bonheur, car être vieux, c’est encore être vivant. Mais différemment.

Le jeu subtil des acteurs (une voussure des épaules à peine marquée, une fêlure dans la voix tout juste perceptible) donne leur épaisseur aux personnages chez lesquels ne sont jamais absents la colère, le désarroi, l’humour, ce qui fait d’une femme et d’un homme des êtres sociaux. Et lorsque les  personnages parlent par l’entremise du micro, l’émotion que suscite une confession, longtemps tenue secrète et que fait surgir la séparation d’avec la mère ou le père, traduit, en creux, la difficulté d’exprimer ses sentiments au sein d’une famille ou d’une fratrie. Avons-nous été de bons parents ou de bons enfants ? L’essentiel, finalement n’est-il pas d’être là, même tard ?

Etre là
Texte et mise en scène: Vincent Ecrepont ( auteur et metteur en scène associé la Comédie de Picardie - (03.22.22.20.20. www.comdepic).
Avec Céline Bellanger, Véronic Joly et Sylvain Savard

Dates et lieux des représentations: 
- Le 16 mars 2018 au MC de Nevers 
- Le 22 mars 2018 au  Théâtre des Tisserands, Lille
- Le 30 mars 2018 à Beauquesne
- Le 12 avril à la Salle des 3 villages, Savignies