La femme rompue : la rencontre peu convaincante de Simone de Beauvoir et de Josiane Balasko
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ "La femme rompue" met en scène une femme brisée (Muriel) qui tente en vain de s'endormir, un soir de réveillon, alors qu'autour d'elle dans l'immeuble les festivités vont bon train. Peu à peu, elle se confie et les mots, aussi violents que crus, expriment tout leur ressentiment et leur haine vis à vis d'un monde qui lui a toujours été hostile.
Au fur et à mesure de ses confessions qui tranchent comme des lames de rasoir, l'on découvre son histoire : une enfance malheureuse aux côtés d'une mère mal-aimante, une fille, Sylvie, qui s'est suicidée à l'adolescence et dont on l'a toujours accusée d'avoir été la responsable de cet acte désespéré, un second mari, Tristan, parti en emmenant avec lui leur fils Francis qu'elle ne voit que rarement et sous surveillance. "La femme rompue", c'est le cri déchirant d'une femme devenue la proie facile - puisqu'affaiblie et seule- de ceux qui l'entourent. Le déversement de haine d'un être qui a l'impression d'avoir toujours sacrifié sa vie aux autres - "J'exigerai...j'exige pas assez" - et ne ressent qu'amertume et dégoût pour le monde : "Comment garder un corps propre dans un monde aussi dégueu?". Les autres? Elle s'en "branle" et si elle le pouvait, elle souhaiterait qu'ils plongent " tous ensemble dans le néant". Pourquoi serait-elle clémente et bienveillante quand le destin s'est autant acharné sur elle? Pourtant victime, ses propos dérangeants et haineux lui donnent un visage de sale bonne femme. La femme rompue est souvent une femme exécrable dont on n'a pas pris la peine d'ausculter le destin de près...
Simone de Beauvoir dresse ici le portrait troublant d'une femme à bout. Il ne lui reste plus que les mots pour se venger. Alors elle les choisit durs, volontairement provocateurs. Ce texte d'une femme d'exception invite à réfléchir sur notre manière de regarder l'autre et s'avère une allégorie lucide et terrible d'un phénomène de société : Muriel est malmenée parce qu'elle est seule et qu'elle ne peut pas se protéger. Elle est un bouc-émissaire idéal parce que désarmé. S'il fait un peu date car il montre les problématiques bourgeoises d'une femme qui se sent perdue - elle n'a plus la protection sociale et financière d'un mari - il garde toutefois une universalité quant aux réflexions existentielles qu'il suscite.
La scénographie est épurée : un simple lit, espace où l'actrice s'agite comme un lion en cage...puisqu'elle n'a nulle part d'autre où aller. Peu à peu, par un habile jeu de lumières, ce lieu devient presque un cercueil où expire une vie déjà anéantie. Josiane Balasko n'y convainq cependant pas complètement parce qu'elle fait...du Josiane Balasko. Les inconditionnels de l'actrice seront donc satisfaits ; les autres reconnaitront la performance - toujours louable - d'interpréter un monologue aussi difficile mais argueront que la vulgarité intrinsèque de la gouaille de l'interprète se superpose de manière désagréable à celle du texte. Au lieu de mettre en valeur la crudité - et son caractère moderne pour l'époque - du verbe, elle le dessert. Tout est un peu surjoué et c'est dommage car une interprétation plus nuancée aurait permis aux mots d'agir plus librement.
La femme rompue de Simone de Beauvoir
Mise en scène : Hélène Fillières
Avec Josiane Balasko
Lumières Eric Soyer
Costumes Laurence Struz
Scénographie Jérémy Streliski
Création musicale Mako
Assistante à la mise en scène Sandra Choquet
Remerciements à Muriel Huster
La Femme rompue • teaser - ©Charles Mignon
Durée : 1h10
Dates et lieux des représentations:
- Le 30 janvier 2017 au Théâtre Jacques Coeur ( Lattes - 34)
- Le 12 févr. 2017 - OLYMPIA - ARCACHON
- Le 14 févr. 2017 - SALLE BLEUE - SAINT GEORGES DE DIDONNE
- Du 22 au 23 févr. 2017 - Théâtre Montansier. - VERSAILLES
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