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Sous le pont : soixante minutes de la vie d’un réfugié

  • Écrit par : Stéphane Aubouard

Sous le pontPar Stéphane Aubouard/  Produit par le Festival international des arts de Bordeaux, « Sous le pont » raconte en décor réel, la vie d’un réfugié échoué en France. Juste et édifiant.

Sous un pont de Cenon, dans la banlieue populaire de Bordeaux, l’écho d’un train étouffe les cris d’un réfugié amaigri et d’une clocharde épaisse qui se disputent en arabe et en français une bouteille de vin. Un panneau publicitaire dont les réclames défilent au rythme des insultes éclaire ce tableau de rue ordinaire qui embarrasse généralement le tout venant pressé de passer son chemin.

Pendant trois soirs pourtant, de jeudi à samedi, sous la même passerelle de béton ouverte aux quatre vents, plusieurs centaines de spectateurs ont pris le temps d’observer une heure durant les aventures de cet homme. « Sous le pont », modeste mais fulgurante création théâtrale courageusement produite par le Festival international des arts de Bordeaux (1er au 22 octobre 2016) fait mouche. En choisissant de zoomer sur la réalité de la vie de Jamal, un réfugié d’une trentaine d’années, l’auteur syrien Abdulrahman Khallouf et son compatriote, le metteur en scène Amre Sawah, réussissent en quatre tableaux et autant de rencontres à changer le regard déformé des mass médias sur « les migrants ». Confronté à un décor naturel et inconfortable, le public entre malgré lui dans une communion de corps avec cet homme qui se dévêt peu à peu de son statut d’étranger pour nous renvoyer sa fragile humanité. Le rôle principal tenu par Homam Affara, ancien danseur à Damas réfugié en France il y a moins d’un an, donne une force particulière à cette pièce composée de témoignages récoltés auprès de femmes et d’hommes de toutes nationalités. Les dialogues y résonnent d’une réalité crue : ici un vagabond raciste manque de tuer son frère de misère. Là, un imam tente de l’embrigader pour le ramener dans la chaleur rassurante de la mosquée et de la religion. Plus loin, un ancien réfugié aujourd’hui naturalisé daigne lui donner un coup de main pour monter un dossier , insupportable pitch de trois pages exigé par l’administration pour le droit d’asile. L’ancien professeur de danse décline alors une série de souvenirs crus et cruels– parfois personnellement vécus. Mais la mise en abîme n’épargne pas non plus les auteurs eux-mêmes. Lorsque le metteur en scène qui joue son propre rôle rallume le dessous du pont, il demande au public comment se débarrasser de cet importun à qui il ne trouve pas d’issue à l’ histoire. Question absurde qui traverse contre toute raison l’Europe et la « France pays des Droits de l’Homme » . Mais question dont la réponse peut encore être écrite par le public soudain passé du statut d’observateur à celui d’auteur.

Sous le pont
Texte : Abdulrahman Khalouf
Mise en scène : Amre Sawah
Avec Homam Affara, Virginie bergeon, Sebastien Laurier...
Coproduction : Festival International des Arts de Bordeaux Métropole / avec le Fond d’aide à la création et à l’innovation de la Ville de Bordeaux et l’ONDA.

Dates et lieux des représentations:

- Du 20 au 22 octobre 2016 à Le Tube - Cenon - dans le cadre du FAB ( Festival International des Arts de Bordeaux Métropole)

- Les 18-19-20 janvier 2018 au Carré-Colonnes, Saint-Médard-en-Jalles

- Les 15-16 mars 2018 au Théâtre d’Arles, Arles

Article initialement paru dans l'Humanité le 24 octobre 2016 - par Stéphane Aubouard - Envoyé Spécial Bordeaux

Crédit-photo : Pierre Planchenault

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