Par Virginie Gossart - Lagrandeparade.com/ « J'emprunte les sentiers naturels du corps et aussi, pour le plaisir, ceux qui lui sont contraires. Mon mouvement est multidirectionnel, évanescent et successif. Â» Cette phrase de Trisha Brown illustre parfaitement les trois courts spectacles présentés au théâtre de Nîmes par la Trisha Brown Dance Company, qui poursuit la transmission de l’œuvre de la chorégraphe phare de la danse moderne américaine, décédée en 2017.

Trisha Brown est avant tout une figure américaine du post-modernisme. Formée à la danse moderne, elle appartient dans les années 60 à cette nouvelle école qui, faisant voler en éclat les codes de la représentation, invente une gestuelle libre et radicale. Une nouvelle approche que Trisha Brown qualifiera de «répartition démocratique du mouvement dans le corps tout entier».
Elle fait partie des chorégraphes qui ont profondément marqué la danse du XXème siècle. Collaboratrice de Merce Cunningham, John Cage ou encore Anna Halprin, la vision avant-gardiste de l’Américaine a ouvert la danse à de nouveaux horizons, revisitant de fond en comble les notions de spectacle et de représentation.
Watermotor, premier spectacle présenté au théâtre Bernadette Lafont, a été créé en 1978. Il s'agit d'un court solo, sans musique ni décor, où l'attention du spectateur est immédiatement concentrée sur le rythme imprévisible et changeant des mouvements du danseur, tandis que le bruit de sa respiration et le frottement de ses pieds sur le sol nous font ressentir la difficulté de son effort et la beauté de ses gestes de la façon la plus organique qui soit, nous transportant dans une sorte d'état second.
Glacial Decoy date de l'année suivante et signe le début de la collaboration de Trisha Brown avec l'artiste visuel Robert Rauschenberg. Le décor est composé de photos en noir et blanc qui se décalent progressivement tout au long du déroulement du spectacle. Des danseuses exécutent à l’unisson, en canon ou en partition individuelle, des échappées au son des clics de diapositives projetées derrière elles. La transparence de leurs robes blanches donne à leurs mouvements une fluidité aquatique. Derrière une impression de flux continu et d'improvisation des corps, apparaissent des trajectoires complexes obéissant à une écriture chorégraphique rigoureuse. Là encore, le minimalisme du décor et l'absence d'accompagnement sonore nous rend sensibles à la performance physique exigée par le geste artistique.
Enfin, dans Astral Converted qui se déploie sur la musique de John Cage, le rapport au sol est particulièrement exploré. Tels des reptiles, neufs danseurs marchent à quatre pattes, roulent et sautent, se portent les uns les autres, dans une exploitation à la fois verticale et horizontale de l'espace, ce qui exige de leur part une puissance athlétique hors du commun. Les portés sont particulièrement audacieux dans ce dernier spectacle, et créent un bel équilibre entre corps féminins et masculins. Des costumes aux couleurs métalliques font hésiter le spectateur entre corps robotiques et silhouettes amphibies. Cette indétermination nous plonge encore une fois dans un monde onirique, à la lisière du subconscient, et fait de ce triptyque un formidable espace d'exploration du mouvement.

TRISHA BROWN DANCE COMPANY
WATERMOTOR / GLACIAL DECOY / ASTRAL CONVERTED

Dates et lieux des représentations: 
Les 9 et 10 juin 2022 à la SALLE BERNADETTE LAFONT - Théâtre de Nîmes ( 30)