La Walf : haute voltige et musique au festival d'Alba-la-Romaine
- Écrit par : Virginie Gossart
Par Virginie Gossart - Lagrandeparade.fr/ Issu de la fusion de deux collectifs aussi dynamiques qu'inventifs, le spectacle intitulé "La Walf", création in situ pour le théâtre antique d'Alba-la-Romaine, est un concentré d'énergie pure. Cirque, comédie, musique, performances... Tout se mélange et s'enchaîne sans temps mort. Aucun chef au sein de cette troupe nombreuse, mais beaucoup d'idées, d'auto-dérision, et une fraternité manifeste. Entretien avec Fanny Alvarez, conceptrice et actrice de ce spectacle total.
Le projet du spectacle que vous présentez au festival d'Alba-la-Romaine est né de la fusion de deux collectifs différents, La Meute et La Bascule. Quelles sont les spécificités artistiques de chacun de ces collectifs ?
Chacun des deux collectifs pratique un agrès différent : la balançoire pour La Meute et la bascule pour le Collectif de la Bascule. Ce sont deux engins de propulsion qui permettent de la haute voltige mais leur technique, leur aspect, et leurs contraintes sont très différents et ne font donc pas prendre les mêmes directions artistiques. Mais ils ne sont finalement pas si éloignés. Chacun des deux collectifs a pris le parti de se concentrer autour de son agrès pour essayer de l’explorer au maximum, et cela a influencé fortement les axes artistiques. Je dirai donc que les spécificités de chacun dépendent de leur agrès, de ce que cet agrès provoque sur le plan chorégraphique et anecdotique. L’architecture de groupe n’est pas non plus la même, un groupe d’hommes d’un côté, mixte de l’autre, et des caractères très différents…
Vous êtes quinze sur scène, à la fois auteurs et acteurs : comment parvenez-vous à tous vous entendre et à ce que certaines individualités ne prennent pas le dessus sur le groupe dans l'élaboration et la réalisation du spectacle ?
Nous sommes une réunion de collectifs, et avons donc l’habitude de travailler en groupe, sans chef, et de faire des concessions individuelles. C’est loin d’être simple mais on commence à vraiment bien se connaître et à tolérer chaque caractère. C’est important de valoriser la spécificité de chacun, car on est tous complémentaires et indispensables. Parfois, la simplicité prend fortement le dessus, et pour ne pas tergiverser trop longtemps, on obtient vite l’unanimité. Le fait de n’avoir pas beaucoup de temps aussi, d’être un peu dans l’urgence, nous permet d’être efficaces. C’est une grande leçon d’humilité et d’amour sans vouloir être dans le romantisme !
Que signifie le titre "La Walf" ? Pourrait-t-on y voir un rapport avec une louve devenue chef de meute ?
« World Acrobatic Love Foundation » ! Prendre une décision à quinze, c’est compliqué, donc on a vite opté pour ce titre! A part ça, cela ne veut rien dire. Il y a certainement une évocation animale, car on se rapproche du loup en anglais… Je n’avais pas pensé à la louve devenue chef. Mais de toute façon, la notion de chef ne nous plaît pas vraiment, on est plutôt contre cette idée!
Sur scène, le spectateur assiste parfois à un véritable feu d'artifice de sauts et d'acrobaties. Comme dans les films de Jacques Tati, on ne sait parfois plus où regarder tant il se passe de choses. C'est d'ailleurs de cette explosion permanente que naît la vigueur, l'énergie burlesque et communicative de votre spectacle. De quelle façon canalisez-vous cette vitalité collective pour en faire un tout cohérent ?
On cherche à chorégraphier, organiser les mouvements et déplacements, et ensuite l’acrobatie et la joie d’en faire parlent d’elles-mêmes !
Certains sauts semblent parfois réalisés "sur le fil", comme si vous mainteniez toujours une part d'improvisation et de prise de risque. Est-ce véritablement le cas où est-ce volontairement travaillé pour donner ce sentiment au spectateur ?
Nos disciplines sont traditionnellement très codées et nécessitent un temps de préparation, de concentration et de synchronisation. Nous avons tous le but de nous affranchir de ces petits moments afin d’intégrer pleinement les sauts dans l’ensemble du spectacle pour donner du rythme et surtout de la surprise au spectateur. Nous travaillons aussi à ne pas faire uniquement des figures gymniques pour laisser place à des sauts un peu plus bizarres à des moments improbables !
Il n’y a aucune improvisation, tout est écrit au millimètre.
La première scène du spectacle est hilarante et installe immédiatement une atmosphère extrêmement ludique, un peu entre la cour de récréation, le camp scout et la comédie musicale (avec un petit côté "West Side Story" au cirque). Ce joyeux mélange est-il né d'une volonté initiale ou l'idée a-t-elle germé au fur et à mesure de la création ?
C’est une idée qui a été lancée quand on s’est projeté au théâtre antique d’Alba la romaine. On voulait anticiper le fait de jouer là-bas, et donc voir comment il était possible d’investir ce lieu immense et très beau. Cette couleur est donc apparue un peu comme ça, malgré nous ! Et maintenant, c'est quelque chose qui nous plaît, on aimerait réinjecter des images de ce genre dans le reste du spectacle ! A suivre…
"La Walf" est une création in situ. Espérez-vous qu'elle puisse avoir un avenir au-delà du festival et si oui, envisagez-vous déjà des lieux ou des dates en particulier ?
C’est une création in situ mais depuis le début nous avons la volonté de continuer. Ce spectacle peut vite s’adapter sous chapiteau ou dans un autre lieu extérieur ou avec de la hauteur. Nous avons déjà des dates en perspectives pour 2017, nous allons jouer sur une plage en Bretagne après une période de résidence, puis des dates sous chapiteau. Plus qu’une création in situ, c’est une nouvelle aventure qui commence.
On sent entre vous tous une grande complicité ainsi qu'une bonne dose d'humour et d'autodérision : le choix de vos costumes, votre manière très "démocratique" d'occuper l'espace scénique (chacun fait quelque chose), le partage des installations (bascules, balançoire,...), le petit barbecue festif à côté de la scène... Est-ce une façon pour vous de parvenir à concilier le stress forcément lié à la difficulté des performances parfois dangereuses que vous réalisez et l'envie de prendre du plaisir et de vous amuser ?
Oui bien sûr, le stress et le plaisir sont complémentaires! On voulait être proches de nous-même dans ce spectacle, dans une sincère simplicité (même si dans la vie quotidienne, on ne porte pas tous des chemises à carreaux!) On voulait créer une ambiance sympathique, un espace chaleureux dans lequel on se sente bien, et que le public éprouve de l’empathie, qu’il soit avec nous! Les émotions recherchées sont effectivement la joie, la jouissance de la force du groupe, le plaisir de l’acrobatie qui alternent avec la peur, l’adrénaline liées à la performance de cirque.
Comment vivez-vous le fait d'être la seule femme sur scène ?
Cela dépend, parfois je ne prête pas du tout d’attention à cette différence, et parfois je me rappelle bien qu’on n'est quand même pas faits pareil! Sur scène, c’est très agréable : ce n'est pas tant le fait d’être la seule femme parmi tous ces hommes, mais plutôt le plaisir d'être avec eux tous, d’être autant et de profiter ensemble. Ce n’est pas fait exprès, c’est une histoire de rencontres et non une sélection selon les genres. Cela dit, j’ai beaucoup de chance d’être aussi bien entourée!
La musique, bien loin d'être un simple accompagnement, est un acteur à part entière dans votre spectacle. De quelle façon l'intégrez-vous ? Les morceaux ont-ils spécialement été créés pour les numéros ou est-ce parfois la musique qui dicte le visuel ?
On a travaillé en lien tout au long de la création, on leur présentait une scène, ils partaient composer dans leur coin, nous aussi, ensuite on répétait ensemble et petit à petit ça s’est affiné. Cette collaboration nous aide beaucoup! Ce sont des allers-retours entre eux et nous. Les premières fois qu’on fait les scènes, on est beaucoup dans la mémoire et parfois on n'entend même pas la musique tant on est concentrés. Ce qui est génial, c’est le moment où on trouve l’aisance dans le parcours du spectacle et où on est vraiment connecté avec la musique. Ils se calent sur nous et nous sur eux. On a encore du boulot, car on aimerait annuler cet effet de numéros, justement... La musique est une ponctuation, on aimerait rythmer le tout de manière plus inattendue.
La Walf par La Meute & Le Collectif de la Bascule
DISTRIBUTION : De et avec Fanny Alvarez, Julien Auger, Pierre Ballis, Alexandre Bellando, Thibaut Brignier, Antoine guillaume, Mathieu Lagaillarde, Jonathan Lassartre, Karim Messaoudi, Marius Ollagnier, Sidney Pin, Thibaut Rancœur, Maxime Reydel, Arnau Serravila, Bahoz Temaux.
Crédit-photo : Christophe Rouchouse
- Du 12 au 16 juillet 2016 - Création In Situ pour le Théâtre Antique - Festival Alba-la-Romaine 2016