Photo / exposition "Visa pour l’Image de Perpignan" : le « Cuba » de Marc Riboud
- Écrit par : Guillaume Chérel
Par Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ Un beau livre (court et de petit format, pour changer…) raconte, dans un premier temps, un moment historique de la « guerre froide » entre Cuba et les Etats-Unis, à travers la publication de l’interview de Jean Daniel, paru dans l’Express en 1963, accompagnée des photographies de Marc Riboud. Dans un second temps, l’ouvrage propose un portrait de Cuba et de ses habitants, à travers 52 clichés en noir et blanc, pris la même année.
Rappel des faits : en Octobre 1963, Marc Riboud est à Cuba où il effectue un reportage pour l’agence Magnum sur la jeune révolution. A la même période, le journaliste Jean Daniel s’entretient avec John F. Kennedy qui le charge d’un message pour Fidel Castro. En novembre, le deux Français se retrouvent à la Havane. Tous deux essaient d’obtenir un rendez-vous avec le Lider Maximo qui, finalement, arrive à l’improviste –comme il le faisait souvent pour éviter les tentatives de meurtre–, à dix heures du soir, à leur hôtel où il reste parler jusqu’au petit matin.
Ce reportage inédit montre comment le photojournalisme rend compte de l’Histoire. A l’époque, Fidel a trente-sept ans et la Havane, comme le Malecon, n’est pas encore touchée par la décrépitude et l’usure du pouvoir castriste… Wim Wenders, qui préface son livre, en a dix-huit. Il se souvient parfaitement où il était le jour où il apprit la mort de Kennedy. Lui aussi connait la Havane pour l’avoir filmée dans « Buena Vista Social Club ». La différence avec Riboud, c’est que ce dernier était aux côtés de Castro. Au coeur de l’Histoire… De ce scoop, Marc Riboud retient ceci : « Nous découvrions d’un côté la salsa, la gaieté populaire, la paresse, le soleil et la mer, de l’autre une tentative de changer les hommes. »
Pour lui, regarder et photographier une scène de rue ou un paysage de brume, c’est comme écouter de la musique. Cela l’aide à vivre. Il n’a pas changé sa façon de voir les choses depuis ses débuts. Il photographie des gens et des décors différents de la même façon. Quand on lui demande quelle est sa meilleure photo, il répond : « J’espère la faire demain. » Et essaiera de changer sa façon de voir… mais en vain. Il confesse admirer les jeunes photographes qui innovent. Lui s’en sent « incapable ». Son obsession : photographier le plus intensément possible la vie la plus intense. C’est son credo. Un besoin aussi puissant que son besoin d’indépendance. Pour lui, photographier, c’est savourer la vie au 1/125 e de seconde.
"La photographie ne peut pas changer le monde, mais elle peut montrer le monde surtout quand le monde change", écrit Marc Riboud dans « Cuba avec Castro ». Ses photos de Fidel sont presque aussi connues que celle du Che par le Cubain Korda. Mais outre d’avoir été le témoin privilégié des premières réactions du nouveau maître de la Havane, Riboud propose un portrait des anonymes -la population cubaine. L’infatigable photographe est un bourlingueur qui a toujours été sensible à la beauté du monde. Pour lui, la photographie n’est pas un processus intellectuel, c’est sensuel, visuel : « L’œil est fait pour voir, pas pour penser. » Surtout, à 92 ans dont un soixantaine consacrée à la seule photographie, Marc Riboud est un homme libre qui aime intensément l'indépendance...
Cuba, par Marc Riboud, texte de Jean Daniel, préface de Wim Wender, La Martinière, 100 p., 18 €.
« Visa pour l’Image », à Perpignan, du 27 août au 16 septembre 2016. Le SITE ICI
Une exposition est dédiée au travail de Marc Riboud - Plus d'infos ici