El Acompanante : Cuba, le boxeur dopé et le soldat oublié
- Écrit par : Guillaume Chérel
Par Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ Voici le synopsis d’ « El Acompanante » (clin d’œil à « El Comandante »… Castro) : en 1986, à Cuba, les porteurs du VIH sont obligatoirement reclus dans un sanatorium militaire à l’extérieur de la ville. Ils sont dès lors placés sous la surveillance d’un « accompagnateur » qui doit suivre le porteur du virus où qu’il aille. Horacio Romero, boxeur accusé de dopage, est contraint de devenir l’accompagnateur de Daniel, un jeune soldat qui a contracté la maladie lors d’une mission en Afrique. Sous la forme d’un drame classique, Pavel Giroud raconte l’histoire méconnue d’hommes et de femmes porteurs du VIH mis au ban de la société cubaine. Le chemin de la rédemption et de la liberté passait ainsi par une lutte contre les préjugés, à commencer par les siens.
Le cinéaste cubain Pavel Giroud ose aborder un sujet qui fut longtemps tabou à Cuba. Il faut savoir que le sport et la médecine sont deux étendards qui ont longtemps fait le prestige de la Révolution Cubaine. A la décharge du régime castriste, à la pointe de la médecine (gratuite, rappelons-le), les cubains ont eu le mérite de tenter de maîtriser l’épidémie, sur une île, au moment où dans le monde entier les malades du sida étaient ostracisés, repoussés, mis en quarantaine (cf. « Philadelphia », avec Tom Hank, en 1993). Le site, parfaitement décrit dans le film, n’avait rien d’un camp de la mort, il était arboré et confortable. Ce n’était pas le paradis mais un « mouroir » décent. Et les idées reçues et a priori avaient cours comme ailleurs : maladie de « pédés », pestiférés, etc…
Malgré un rythme un peu inhérent à de nombreux films indépendants, on se laisse vite prendre par la relation entre le fauve hyper musclé, boxeur noir, poids lourd, Horacio Romero, « puni » en quelque sorte pour s’être dopé afin de ne pas décevoir le peuple cubain (la boxe est un des sports phares avec le base-ball) et le jeune Daniel, beau gosse blanc… qui n’est pas du tout homosexuel comme semble le croire son entourage mais un bon fils à papa (militaire), ancien soldat qui a contracté la maladie en Angola. Ces deux personnages sont des anti-héros. Tous deux sont confrontés au même dilemme : se remettre d’une chute vertigineuse. Ces deux hommes de milieux différents vont mener le combat de leur vie. L’un en mourra, l’autre aura un sursis, sans jamais atteindre son rêve (métaphore de l’idéal Che Guevarien ?) : participer aux Jeux Olympique et gagner la médaille d’or. Il devra se contenter d’une médaille qui honore sa victoire contre un « gringo » mais qui le rachète aux yeux du peuple cubain. Sans oublier l’amour, qu’il connait (enfin ! car il a été trompé) avec la belle Lisandra (Camila Arteche), contaminée par le SIDA elle aussi mais qu’il embrasse quand même… avant d’utiliser un préservatif.
« El Acompanante » n’est ni un film sur la boxe, ni un film politique sur le régime carcéral, c’est un film sur l’Humanité, l’amitié, l’amour et les contradictions de la société cubaine. Une société qui entendait rendre l’homme (nouveau) meilleur mais où la bêtise, la méchanceté, la lâcheté et l’avidité existent et perdurent comme partout ailleurs. En ce sens, « El Acompanante » est un film d’une grande humanité. Sa réalisation est sobre, la lumière et l’image (d’Ernesto Calzado) léchées.
Le réalisateur, Pavel Giroud (né en 1972 à La Havane) est arrivé au cinéma à partir du vidéo art et de la réalisation de vidéos musicales. Il a réalisé des courts avant de coréaliser Tres veces dos (2004). La Edad de la peseta (2006) est son premier long-métrage réalisé seul, suivi d’Omerta (2008). Il a également réalisé des documentaires. Armando Miguel Gomez (Daniel) a 28 ans et est un des acteurs les plus prometteurs de sa génération. Il a commencé sa carrière au théâtre et dans une « télénovela ». Yotuel Romero (l’accompagnant) est né en 1976 à la Havane. Connu comme rappeur du groupe Orishas, il vit à Miami et se consacre de plus en plus à son nouveau métier d’acteur.
El Acompanante, de Pavel Giroud (Cuba, 1 h 45, 2015).
Avant-première au cinéma l’Elysée Lincoln, le jeudi 11 août 2016 en présence du réalisateur.
Sortie nationale le mercredi 17 août 2016
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