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Panopticon de George Sikharulidze : « La façon dont l’église s’immisce dans la politique géorgienne est pornographique »

  • Écrit par : Romain Rougé

georgePar Romain Rougé - Lagrandeparade.com/ Le film Panopticon du cinéaste géorgien était présenté dans la compétition longs-métrages du 46e Cinémed à Montpellier.

Auréolé du prix de la critique, il raconte l’errance de Sandro qui s'efforce de concilier son devoir envers Dieu et sa sexualité naissante, après que son père l'a abandonné pour devenir moine orthodoxe. Une sexualité qui se manifeste de manière incontrôlable et le conduit à des comportements malsains dans la société turbulente de la Géorgie post-soviétique, dans laquelle il cherche une appartenance.

À l’occasion d’une rencontre presse, le réalisateur est revenu sur son œuvre et ce qu’elle dit, in fine, de son pays.

George Sikharulidze, quelle est la genèse de ce film ?
Je trouvais intéressant d’explorer ma propre adolescence à Tbilissi, en Géorgie, avec les difficultés d’adaptation que j’ai aussi connues. Si le film revient un peu sur ma propre vie, j’ai néanmoins intégré des éléments fictionnels pour en faire une histoire à part entière.

Est-ce à dire que vous avez succombé aux groupuscules d’extrême droite comme certains jeunes dans le film ?
Non, car ils n’existaient pas à l’époque ! J’ai commencé à écrire le film en 2018/2019 et aujourd’hui, la société géorgienne a beaucoup changé, je souhaitais vraiment intégrer des éléments contemporains pour raccrocher la fiction au réel.

Comment expliquez-vous l’arrivée de ces mouvements en Géorgie ?
J’appelle ça le « christian fascism » (fascisme chrétien). C’est un mouvement qui s’est développé en Géorgie lors de la dernière décennie, dans la lignée de Trump aux États-Unis ou de Giorgia Meloni en Italie. L’Église est devenue une arme avec des adeptes tenant des propos homophobes, haineux, commettant des violences envers les migrants ou la communauté LGBT… Ce mouvement a pris racine dans la société géorgienne : il recrute et donne un sentiment d’appartenance aux jeunes hommes en quête de reconnaissance ou recherchant l’approbation de leurs pères. Et c’est dans ces mouvements qu’ils pensent la trouver.

2024La religion est omniprésente dans la société géorgienne, jusque dans le titre original du film…
Chez Foucault, le panoptique ne parle pas uniquement de religion mais bien de mécanique qui s’applique à la religion. C’est le cas en Géorgie, la religion intervient dans un contexte social et politique très tendu. Je ne voulais pas perdre de vue la dimension plus large des enjeux d’une société tout entière.
Plus jeune, j’allais à l’église avant de m’en éloigner. Je ne sais pas pourquoi, mais mon travail est toujours lié à la religion. Luis Buñuel disait qu’il était catholique comme seul un athée pouvait l’être, je me reconnais un peu dans cette phrase. Aujourd’hui, je sépare l’Église de la religion car la façon dont l’Église s’immisce dans la politique géorgienne est pornographique. C’est aussi ce que j’ai voulu montrer dans le film et à travers les actions du personnage principal.

« Je crois que la jeunesse géorgienne a vraiment envie que les choses changent »

Le film dépeint également des personnages féminins forts, contrastés, à l’inverse des hommes absents ou défaillants…
J’ai moi-même été élevé par trois femmes, les figures masculines absentes ou défaillantes, je connais bien. Dans ces situations, les femmes prennent le relai. À travers leurs actes, elles montrent à Sandro qu’un autre chemin est possible. Pour autant, il ne faut pas mettre tous les Géorgiens dans le même panier, tous les hommes ne sont pas si durs. Il y a aujourd’hui des batailles à mener et la nouvelle génération se démène. Même si le chemin n’est pas facile, je crois que la jeunesse géorgienne a vraiment envie que les choses changent.

Votre film Panopticon est une co-production géorgienne et italienne. Malgré son sujet et les soubresauts politiques dans ces deux pays, le cinéma semble résister…
C’est devenu difficile mais il y a une résistance, c’est certain. En ce moment en Italie, on est en train de tuer le cinéma d’auteur. Il se passe la même chose en Géorgie avec un ministre de la Culture, ancien ministre de la Justice, qui gère la culture comme on gère les prisons…

Panopticon
Réalisation : George Sikharulidze
Sortie en France : 12 février 2025
Avec : Fabrizio Gifuni, Romana Maggiora Vergano, Anna Mangiocavallo
Distribution : Pyramide Distribution
Coproduit par Marco Bellocchio et Sylvie Pialat

Bande annonce : https://www.youtube.com/watch?v=slHdnAoh1wQ


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