Les rives du destin : une chronique amère, mais porteuse d’espoir, d’une femme forte, qui décide de prendre sa vie en main dans un Iran ultra-conservateur
- Écrit par : Sylvie Gagnère
Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.fr/ Samira, jeune mère à peine divorcée, quitte sa province avec sa fille pour revenir s'installer à Téhéran. Déterminée à se construire une vie de femme indépendante, elle cherche un travail et un logement décents, pour sortir de la précarité. Ce choix de vie l’oppose à Hamed, son ex-mari violent, à son entourage divisé et aux mentalités iraniennes conservatrices. Coûte que coûte, Samira tente de surmonter les divers obstacles rencontrés sur son chemin. "
Samira et Hamed sont pauvres, et cette grande pauvreté, qui assombrit chaque jour, est sans doute l’une des causes de leurs disputes. Mais tandis que Samira se bat pour gagner de l’argent, Hamed s’est enfoncé dans une existence de parasite, qui se contente de rêver du jour où il émigrera au Canada. La jeune femme n’entend pas se laisser entraîner dans cette vie. Divorcée, elle fait tout pour s’arracher à sa condition, quitte à se mettre en danger. Parfois soutenue par son entourage, parfois jugée sur son comportement, qui flirte avec le scandaleux, dans une société marquée par la censure et le contrôle des mœurs. Hamed ne peut supporter l’image que son ex-femme lui renvoie, et se montre de plus en plus violent.
Samira s’oppose aussi à Rezvan, une femme résignée, qui s’accroche au peu qu’elle possède et vit dans la terreur que cela ne lui soit enlevé. Chacune à sa façon, elles dénoncent l’ignorance, les lois qui empêchent en Iran les femmes de disposer de leurs corps et de leurs vies, les traditions qui figent et oppriment sans espoir de voir changer les choses.
"Les rives du destin" est d’abord un formidable portrait de femme, une femme forte, une femme qui se souhaite libre, et se bat pour y parvenir. Elle choisit Téhéran, parce que la grande ville peut lui permettre, du moins l’espère-t-elle, de vivre sa vie sans être empoisonnée par les mensonges de son ex-mari. Taraneh Alidoosti (Samira) est magnifique de courage, de ténacité, de justesse dans ce rôle tout en nuances. Et Farideh Faramarzi (Rezvan) n’est pas en reste en femme piégée dans un quotidien étouffant, tétanisée par la peur de perdre le peu qu’elle possède.
La force d’Abdolreza Kahani est de réussir à présenter un film au goût amer, mais porteur d’espoir, qui s’attarde sur le chemin parcouru par les personnages, plutôt que sur leurs échecs.
Portrait d’un Iran en proie à la pauvreté et qui corsète les corps et les âmes, portrait d’êtres humains qui tentent de survivre et de rêver dans cet univers dur, magnifique portrait de femme en lutte, "Les rives du destin" mérite le détour, malgré une fin un peu rapide sans doute.
Les rives du destin
Date de sortie : 30 mai 2018
Durée : 1 h 16
Réalisateur : Abdolreza Kahani
Avec : Taraneh Alidoosti, Farideh Faramarzi, Babak Hamidian, Reza Attaran, Majid
Salehi, Amir Shabab Razavian Khosravi
Nationalité : iranienne
Distribution : BlueBird Distribution
Titre original : Esterahat-e Motlagh