Noces : de l'émancipation des femmes et du poids des traditions
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Zahira est une jeune fille belgo-pakistanaise, pétillante et vivante. Elle entretient des relations très complices avec chacun des membres de sa famille jusqu’au jour où on lui impose un mariage traditionnel. Des noces accélérées par le fait que Zahira est tombée enceinte d'un garçon, Tariq, dont elle était éprise mais qui ne fait rien pour la retenir d'avorter. Ecartelée entre les exigences de ses parents, son mode de vie occidental et son envie de choisir librement son avenir, la jeune fille est en proie à des interrogations existentielles terribles et compte sur l’aide et le soutien de son grand frère et confident, Amir...
Librement inspiré de faits réels, cette fiction fait l'effet d'un coup de feu au creux du ventre...Stephan Streker y peint une famille avenante qui bascule peu à peu dans une persécution aussi taiseuse que sournoise pour ne pas faillir à la tradition de son pays d'origine et aux codes religieux. L'individu disparaît au profit des exigences du groupe et les propos rétrogrades tenus par Hina, notamment, la grande soeur de Zahira, font froid dans le dos : "La vie est injuste. Il faut accepter. Nous sommes des femmes." Ce long-métrage, porté par une comédienne prometteuse (Lina El Arabi), montre deux mondes qui vivent à côté, fraternisent parfois mais ne peuvent pas se comprendre complètement tant les obligations de la religion et de la tradition rendent aveugle des êtres pourtant aimants et bienveillants. Hyménoplastie, galerie de moustachus prétendants dans laquelle il faut piocher le bon "Adnan", mariage belgo-pakistanais réalisé par webcam, réalité de l'avortement avec langage froid et aseptisé des soignants, légereté et insouciance d'Aurore, Pierre et Zahira en boîte de nuit, chantage affectif familial, les scènes se succèdent avec des tonalités aussi contrastées que terribles...car l'on sent bien l'issue de ce désir d'émancipation. Alors on s'étourdit de vitesse et de rêves fragiles sur la moto de Pierre (touchant Zacharie Chasseriaud), l'on espère éperdument que les choses peuvent s'arranger...et l'on s'écroule sous l'épée de Damoclès qui finit par trancher les illusions.
En n'oubliant pas de féliciter la qualité de la photographie, l'on ajoutera pour conclure que si "Noces" évoque une réalité sociétale actuelle où de nombreuses familles se sentent tiraillées entre la réalité d'un monde contemporain occidental qui ouvre des horizons multiples, ivre de liberté et conduisant parfois à une permissivité répréhensible, et une tradition orientale encore tournée vers le passé et refusant d'adhérer à de nouveaux schémas qui déstabilisent notamment la cellule familiale telle qu'elle était perçue pendant les siècles passés, outre cela, ce film aborde également la question de l'avortement ( et, en filigrane, peut-être du manque d'accompagnement psycholgique des femmes concernées) et surtout du poids des familles, usant de divers stratagèmes - et notamment du chantage affectif - pour vaincre les résistances de l'individu. Ce sujet, profondément universel, interroge la difficulté de se libérer des chaînes familiales et du poids des culpabilités. A voir!
Noces
Date de sortie : 22 février 2017 (1h 38min)
De Stephan Streker
Avec Lina El Arabi, Sébastien Houbani, Babak Karimi , Olivier Gourmet, Alice de Lencquesaing, Zacharie Chasseriaud, Aurora Marion
Genre : Drame