Un sac de billes : une adaptation émouvante de Christian Duguay
- Écrit par : Julie Cadilhac
Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Pour beaucoup, l'évocation du "sac de billes" de Joseph Joffo fait l'effet d'une madeleine proustienne qui ramène aux lectures du collège. Un récit incontournable du secondaire, traduit en 18 langues, et qui a été vendu à plus de 20 millions d'exemplaires dans 23 pays. On se souvient plus ou moins précisément de l'histoire de ces deux frères de confession juive réussissant à passer au travers des mailles du filet d'une France occupée et d'une politique antisémite impitoyable. Et bon, c'est un peu court, tout de même, pour ce témoignage autobiographique extraordinaire, non? L'adaptation cinématographique de Christian Duguay, arrive donc à point nommé - celle de Jacques Doillon, 1975, commençant à dater un peu - et nous ne pourrons qu'insister sur le devoir - et le plaisir - d'aller la voir, seul, en compagnie, en famille...ou avec sa classe. Le devoir? Oui. De mémoire. Au travers de l'histoire personnelle de Joseph et Maurice, qui doivent fuir à travers la France alors occupée par l'armée allemande, entre 1941 et 1944, l'on revit ce pan de l'Histoire de France, celle de Vichy, à hauteur d'enfant. Avec ses miliciens et ses collabos zélés, ses rafles, ses persécutions et ses lois antisémites mais également - et heureusement ! - ses réseaux de résistance et tout un chaînon d'êtres (médecins, ecclésiastiques, passeurs, instituteurs...) qui ont aidé - à leur petite échelle et avec courage - les juifs à échapper au sort que leur réservaient les nazis. Se remémorer la valeur et la force de la solidarité et l'horreur du génocide juif rappelera donc à chacun la nécessité de ne jamais cesser de donner à l'humain la première place, bien devant les arguments de la patrie, de la religion, de l'économie...
"- Jo !
On court après moi. C'est Zérati.
Il est un peu essoufflé. Dans sa main, il a un sac de toile qui ferme avec un lacet. Il me le tend.
- Je te fais l'échange.
Je n'ai pas compris tout de suite.
- Contre quoi ?
D'un doigt éloquent, il désigne le revers de mon manteau.
- Contre ton étoile.
[...]
Je me décide brusquement.
- D'accord.
C'est cousu à gros points et le fil n'est pas très solide. Je passe un doigt, puis deux et d'un coup sec je l'arrache.
- Voilà .
Les yeux de Zérati brillent.
Mon étoile. Pour un sac de billes." ( Extrait d'Un sac de billes, Joseph Joffo)
Et courir voir ce long-métrage sera aussi une source de grande émotion. Les comédiens y sont en effet tous justes : Dorian Le Clech est un Joseph pétillant et tendre, Batyste Fleurial incarne un Maurice aussi protecteur et chahuteur qu'attachant, Patrick Bruel et Elsa Zylberstein sont bouleversants dans le rôle des parents. L'interprétation du Dr Rosen par Christian Clavier est délicate et juste ; Bernard Campan campe un Ambroise Mancelier détestable...et c'est bien ce qu'on lui demande. Les plus jeunes apprécieront également la présence de Kev Adams, jeune Ferdinand touchant. La photographie est en outre d'une très belle facture et l'on replonge ainsi dans le Nice des années 30 avec bonheur, s'il n'était soudain gâché par le retrait des troupes italiennes suite à l'arrestation de Mussolini qui laissent place...aux SS. On revit Paris en sépia.
Un sac de billes de Christian Duguay? Un long-métrage porté par deux jeunes acteurs talentueux pour rendre hommage à une aventure humaine aussi exceptionnelle que bouleversante où l'espoir résiste vaillamment au creux du sourire et du sac de billes d'un garçonnet de dix ans...
[bt_quote style="default" width="0"]La bille roule entre mes doigts au fond de ma poche. C'est, celle que je préfère, je la garde toujours celle-là . Le plus marrant c'est que c'est la plus moche de toutes : rien à voir avec les agates ou les grosses plombées que j'admire dans la devanture de la boutique du père Ruben au coin de la rue Ramey, c'est une bille en terre et le vernis est parti par morceaux, cela fait des aspérités sur la surface, des dessins, on dirait le planisphère de la classe en réduction. Je l'aime bien, il est bon d'avoir la Terre dans sa poche, les montagnes, les mers, tout ça bien enfoui.[/bt_quote]
Un sac de billes d'après le récit de Joseph Joffo