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Madame B, histoire d’une Nord-Coréenne : la force tranquille du matin calme

  • Écrit par : Guillaume Chérel

madame BPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ « "La vie de Madame B" est tellement ahurissante qu’elle ressemble à une fiction », raconte lui-même le réalisateur du film qui lui est consacré. Le Coréen Jero Yun l’a rencontrée alors qu’il faisait des recherches sur la Corée du Nord. Ils ont sympathisé et c’est elle qui lui a suggéré de lui consacrer un film documentaire. Madame B est une passeuse qui fait sortir clandestinement les Nord-Coréens de leur pays, comme elle-même l’a fait quelques années plus tôt. Mariée à un paysan chinois, elle décide de retrouver son ex-mari et ses enfants, qu’elle a fait passer en Corée du Sud. Mais ce ne sera pas simple… Elle se lance dans une bataille pour retrouver ses deux fils devenus grands, ce qui l’amène jusqu’en Corée du Sud. Mais les services secrets s’en mêlent... sans parler du mari coréen qui voudrait bien garder sa femme, laquelle songe à retourner en Chine finalement, où la vie à la campagne lui parait moins dure qu’à Séoul finalement.

"Madame B, Histoire d’une Nord-Coréenne" nous happe d’entrée dans l’angoisse des clandestins en fuite et des paysages qui défilent comme les visages que l’on croise. La plupart du temps tourné caméra à la main, nous sommes avec les « migrants » transformés en fugitifs durant des semaines, au quotidien. Madame B négocie les transferts et voyage avec ses « clientes » avant de se poser dans sa nouvelle famille en Chine, et de repartir pour un long périple jusqu’en Corée du Sud, via la Thaïlande. Elle s’est attaché à son mari chinois qui l’a achetée parce qu’il n’y a pas de femmes en Chine ; et surtout parce qu’elles ne veulent pas vivre à la campagne. C’est un gentil garçon, ça se voit tout de suite – il est respectueux, comme ses parents, du caractère parfois difficile de Madame B - mais elle doit penser aux siens, d’autant plus qu’ils ne peuvent plus faire d’enfant.
La beauté du film de Jero Yun réside dans la force et l’énergie pour s’en sortir de ce visage auquel on finit par s’attacher. Cette femme simple est une véritable héroïne qui se bat contre l’impossible sans jamais cesser d’y croire. Son épopée migratoire méritait d’être racontée mais c’est aussi une belle histoire sentimentale. Car la voilà déchirée entre le mari chinois qui est gentil avec elle et la Corée capitaliste dont elle rêvait… qui la traite durement (après les interrogatoires incessants, le boulot humiliant) ; sans compter ses deux fils qui veulent garder leur mère. Le film s’arrête avant qu’on sache quel choix elle fera mais on se doute qu’en femme de devoir elle choisira ses enfants. Donc la Corée du Sud.
Le réalisateur (et pas metteur en scène ici) trace le portrait poignant d’une force de la nature, infatigable travailleuse qui se bat pour être libre. Il filme la lutte du pot de terre contre le pot de fer. Né à Busan en Corée du Sud en 1980, Yun Jero a étudié les Beaux-Arts à l’ENSAD à Paris en 2008. Il a réalisé plusieurs courts-métrages de fiction et documentaire qui ont été sélectionnés dans plusieurs festivals internationaux. Il a réalisé son premier long-métrage documentaire, A la recherche des nords-coréens en 2012. "Madame B, histoire d’une Nord-coréenne" est son deuxième long-métrage, sélectionné à l’ACID à Cannes, puis primé du Prix du Meilleur documentaire au Festival International de Films à Moscou en 2016.

Madame B, histoire d’une Nord-Coréenne (71 ‘), un film de Jero Yun, sortie nationale le 22 février 2017.
Production : Guillaume de la Boulaye
Caméra et son : Jero Yun et Tawan Arun
Montage : Nadia Ben Rachid

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