Un pays de fantômes : politique et littéraire, un roman qui sait allier les deux !
- Écrit par : Sylvie Gagnère
Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ Dimos Horacki est un journaliste en disgrâce, envoyé sur le front de la guerre que l’empire borolien mène contre les Cerracs, territoire voisin et montagneux. Une simple formalité a priori, mais les boroliens sont fatigués des conflits incessants engendrés par leur gouvernement colonialiste et de la conscription. Il s’agit donc de faire renaître la flamme en pondant quelques articles élogieux sur un héros. Horacki va rapidement se confronter à la réalité de la guerre expansionniste menée par la Borolie et à ses horreurs, et rencontrer leurs ennemis, les anarchistes de Hron. Il découvre qu’ils défendent non leur propriété, mais leur mode de vie, leur utopie. Ses certitudes volent peu à peu en éclats, tandis que les combats font rage.
Margaret Killjoy est une autrice transgenre, anarchiste assumée, qui vit dans une communauté autonome des Appalaches. Un pays de fantômes lui permet d’expliquer ses convictions, sans jamais les asséner façon tract. Elle montre, concrètement, pratiquement, comment une société anarchiste peut exister et fonctionner à l’échelle d’un territoire entier. Elle le fait de manière très intelligente, avec un récit accrocheur, une aventure crédible, peuplée de personnages attachants et profonds. Elle propose l’histoire d’une résistance, celle d’un pays pacifique face à une puissance impérialiste. Son héros, un étranger qui découvre cette organisation, sert de guide au lecteur et nous nous imprégnons de ce mode de vie et de pensée en même temps que lui. Les motivations, les succès, les doutes, les failles, les réussites du système anarchiste sont dépeints concrètement, grâce aux enjeux forts qui portent le récit.
La force du roman réside dans cette peinture d’une société non pas idyllique, mais qui tente de laisser à chacun sa liberté, dans laquelle on décide collectivement, où tous prennent leurs responsabilités, d’où la violence n’est pas absente. Elle incite à réfléchir à nos sociétés impérialistes et expansionnistes, où l’individu finit broyé dans un système clairement oppressif.
Les personnages sont un des points forts de la narration. Tous portent en eux des failles, des blessures, mais également une joie et des convictions qui ébranlent le monde. Leurs relations avec le narrateur, Dimos, sont au cœur du récit. Un pays de fantômes est aussi une aventure rythmée, aux enjeux importants, qui embarque le lecteur et l’amène à croire (à rêver ?) que cette utopie anarchiste est possible.
Quand un roman mêle ainsi intimement politique et humanité, ode à la résistance et rencontre, personnages fouillés et réflexion sur les idées, nous passons un vrai beau moment de lecture !
Un pays de fantômes
Autrice : Margaret Killjoy
Éditions : Pocket
Parution : 4 avril 2024
Prix : 21 €