Le chant des géants : de la fantasy médiévale épique, une tragédie au rythme enlevé
- Écrit par : Sylvie Gagnère
Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ L’île de Oestant existe par la grâce des rêves de trois géants endormis. Baile rêve de mort et de musique, Leborcham est la mère du brouillard, des collines et des plaines et Fraech l’adorateur de la gloire et des batailles. Ianto, l’aîné, Bran, le cadet sont les fils du seigneur d’un des royaumes. Alors qu’ils rendent visite à un autre souverain pour tenter d’éviter la guerre qui s’annonce, une tentative d’assassinat la rendra inévitable. Pendant ce temps, une étrange brume noire dévore tout sur son passage et menace l’existence même de Oestant. Les Immortels, qui veillent sur les géants, se mêlent étrangement aux humains.
La guerre éclate, Ianto succède à son père mort sur le champ de bataille et décide d’épouser Sile, la fille de leur ennemi, une fière guerrière. Mais Sile et Bran sont amoureux. Mais Ianto semble possédé par une colère et une fièvre de pouvoir sans limites. Les relations entre les deux frères se tendent. Jusqu’au point de rupture ?
La trame du roman est classique, entre triangle amoureux fatal et batailles épiques. Nous sommes dans une fantasy médiévale aux accents arthuriens, mâtinés de conflits shakespeariens.
La forme est elle aussi très classique : le récit nous est fourni par un conteur, dans une auberge, au coin du feu. Nous ne connaîtrons qu’à la fin son identité. Nous sommes dans une tragédie, où l’on devine très vite que l’issue sera fatale pour bon nombre des protagonistes. L’originalité réside dans l’histoire des géants endormis qui donnent vie au monde, un concept très poétique, mais finalement assez peu exploité, quel dommage ! Nous aurions aimé que soit plus présente cette belle idée et en savoir plus sur ces fameux géants (qui en plus donnent leur titre au roman). Les liens qui se nouent entre les personnages sont tissés de cette inéluctabilité que recèlent les grandes tragédies. Rien ne pourra empêcher la mort, cruelle, injuste, de frapper les héro·ïnes.
Ce qui marque cependant à la lecture, c’est la poignante histoire des frères. Comment la soif de pouvoir, la solitude, la culpabilité vont éloigner ces deux êtres que leur enfance avait soudés. On peut regretter que le personnage de Ianto ne soit pas plus creusé, au contraire de Bran, dont on connaît tous les états d’âme, et dont on partage les souffrances. Pour autant, on s’attache à ces protagonistes, qui se débattent dans un monde violent, et tentent de trouver un peu d’apaisement et de joies. Les figures féminines ne sont pas en reste, et l’auteur a l’intelligence de ne pas faire de Sile un simple objet de conflit. C’est au contraire une femme déterminée, une guerrière, une reine, une amoureuse, une mère.
L’écriture de David Bry est l’autre atout de ce roman. Nerveuse, subtile, pleine de poésie, elle accompagne les péripéties, dresse des portraits émouvants, brosse des scènes de combats épiques, épouse les moments de tendresse comme l’horreur des batailles.
Le twist final est très touchant, et donne une dimension poétique et humaine qui clôt en beauté une histoire dans laquelle nous nous sommes plongés avec plaisir !
Le chant des géants
Auteur : David Bry
Éditions : Pocket
Date de sortie : 5 octobre 2023
Prix : 9 €