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L’hypothèse du lézard : une novella puissante, cruelle et envoûtante, superbement mise en images

  • Écrit par : Sylvie Gagnère

hypothèsePar Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ Liavek, cité de la chance, est une ville-monde fantasy que se partagent plusieurs écrivains. Ici, c’est Alan Moore qui s’y aventure avec un récit sombre et presque malsain.

Som-Som est vendue par sa mère à la Maison sans Horloges. Destinée à devenir prostituée des magiciens, on la soumet au Silence afin qu’elle ne puisse jamais dévoiler leurs secrets. Incapable de communiquer, elle sera le témoin muet de l’histoire d’amour cruelle et violente entre Foral Yat et Raura Chin, deux comédiens qui résident avec elle dans la Maison sans Horloges.

Le récit est fascinant, il embarque le lecteur sans lui laisser le temps de souffler, entre répugnance et curiosité. L’ambiance est raffinée, nimbée d’un érotisme latent et de relations perverses. Ce qui arrive à Som-Som suffirait à faire frémir : privée de toute capacité à s’exprimer, elle ne peut être que l’observatrice impuissante du drame qui se joue.

Mais c’est surtout au personnage de Raura Chin que l’on s’attache : androgyne, douée d’un magnétisme envoûtant, Elle trace son chemin dans ce monde sordide. Son amour pour le sublime Foral Yat ne l’empêchera pas de quitter la maison pour embrasser une carrière d’actrice, dont elle atteint vite les sommets. Pourtant, Elle choisit de revenir pour offrir une étrange boule de métal à son amant. Pour se faire pardonner de l’avoir abandonné ? Pour le convaincre de la suivre ?

La tension monte peu à peu, engendrant un malaise croissant chez le lecteur, l’entraînant vers une fin que l’on pressent inéluctable, mais à laquelle on ne peut s’arracher. De bourreau, Elle devient victime, ou est-ce l’inverse ? Dominant et dominé, on ne sait plus qui est qui dans ce jeu cruel de l’amour, de la haine, de l’égoïsme et de la vengeance. Culpabilité et trahison, remords et abandon, les sentiments sont violents dans cette novella. Som-Som assiste, impuissante, témoin malgré elle de la déchéance de son amie. La violence est omniprésente, mais sourde, contenue dans les non-dits, dans de petits détails, sans pathos. Elle n’en est que plus insupportable.

Les illustrations de Cindy Canévet se prêtent magnifiquement à ce récit. Leur esthétisme, leur froideur mêlée de sombre poésie ajoutent une touche très forte. Parfois séparées, parfois entremêlées au texte, elles le subliment avec un talent incontestable.

Le livre est superbe, avec une couverture cartonnée du plus bel effet, des pages grisées en papier épais où se déploient les dessins en noir et blanc, entrecoupés de quelques planches glacées en couleurs.

Une lecture fascinante à bien des égards, qui hante le lecteur longtemps après…

L’hypothèse du lézard
Auteur : Alan Moore
Illustratrice : Cindy Canévet
Traducteur : Patrick Marcel
Éditions : ActuSF
Collection : Graphic
Date de sortie : 29 mai 2020
Prix : 19,00 â‚¬

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